Juste pour ma grande fille qui y passe quelques jours en juillet 2013… je remets en exergue, notre ballade américaine :
26 juin 2011. Dorénavant, je n’irai plus en week-end à New York, je partirai résolument à Brooklyn. Oui, je sais, je suis un peu snob sur les bords, mais j’assume totalement le coup de foudre total que je viens d’avoir pour ce quartier de la mégalopole la plus hot de la planète.
New York compte cinq neighborhoods : Queens, Bronx, Brooklyn, Staten Island et bien sûr le plus célèbre, Manhattan. Ceux qui ont couru le marathon le savent puisqu’ils les traversent en trottinant pendant près de 42 km. Brooklyn est immense et se compose de plusieurs quartiers très différents mais qui ont comme point commun leur vitalité. Un petit côté Bo.bo branchouille artistique doublé d’une forte population immigrée plutôt italienne – souvenez-vous Paul Auster – latina et afro-américaine. C’est aussi à Brooklyn, près du pont de Williamsburg, qu’on trouve la plus grande communauté Hassidim – juive orthodoxe – de la planète. Bref, c’est mélangé, métissé, vachement vivant.
À Brooklyn, il y a peu ou pas de touristes, plein de trucs à voir, on se déplace à vélo sans risque et on prend le métro express pour aller en 20 minutes au coeur de Manhattan. Les cafés ont des terrasses et de l’espresso, on mange mexicain, végétarien ou européen, on trouve des bars à vin et tout plein de petits marchés aux puces communautaires – les braderies, pas les puces – et les activistes de tout acabit sont souriants quand ils vous abordent pour signer une pétition.
Au coeur de Brooklyn, Prospect Park est un poumon végétal imaginé par Omlsted, celui-là même à qui on doit aussi Central Park, le parc du Mont Royal à Montréal et le Golden Gate Park à San Francisco. Le tour intérieur fait environ 5 km et ses vastes plaines sont envahies par toutes les fêtes d’anniversaire de la ville dès les premiers rayons de soleil des fins de semaine. Coureurs et cyclistes se cèdent la place assez courtoisement, même si des accidents arrivent. Enfin, rien à voir avec les chicanes – ah ah – du Circuit Gilles Villeneuve!
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Brooklyn donc. On est arrivé après 9 heures de route, un record absolu dû à une voiture en feu sur l’autoroute A87 qui nous a obligé à faire un long détour de l’autre côté de l’Hudson, et nous a permis de découvrir l’étonnant et inattendu village de Saugerties – One of the 10 Coolest Village of America – avec ses rues ponctuées d’antiquaires, de galeries d’art contemporain et de maisons Nouvelle-Angleterre très élégantes.
Nous avons déboulé dans notre appartement loué pour le week-end vers 19h, alors que nous devions être sur Broadway à 20h. Ouais, on aime bien courir nous dans la vie! On aurait pu être complètement à l’heure si on n’avait pas résolument cliqué sur notre appart et sa propriétaire. Grande et belle femme au look d’artiste branchée façon Chelsea ou Soho, M. est effectivement une artiste qui vend aussi de l’art aux autres et accompagnent ses clients dans la recherche du tableau perdu qui ornera leurs murs et les aidera à mieux rêver. Ce boulot là nourrit quelques fantasmes depuis plusieurs années. Il n’en fallait pas plus pour qu’on commence à converser et à s’extasier devant l’intérieur de son appart hyper personnel, tous les murs occupés par des toiles, des lithos, des photos, des créations. Aucun endroit où poser son regard sans tomber en admiration… Jusqu’au manteau de la cheminée, au comptoir de cuisine et au back-splash de l’évier qui nous font craquer. Alors forcément, nous sommes arrivés en retard, mais à peine. Grâce à l’express de la ligne B… juste 10 minutes. Le temps d’attraper un pretzel et un hot-dog avant de tomber d’inanition et hop au Palace Theater.
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Priscilla Queen of The Desert… Vous vous souvenez du film de Stephan Elliott en 1994? Et bien, pareil, en mieux. En cent fois mieux: parce qu’une version live sera toujours plus extravagante, plus spectaculaire, plus débridée. Les mêmes succès disco qui nous emportent dans leur rythme fou, les décors ingénieux et simples (étrangement, mais qui y gagnent en efficacité) et les costumes totalement délirants. Fred ne se remet toujours pas des pantalons pat d’eph’ à rayures. J’ai personnellement adoré les cupcakes verts.
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Pour rester sur le thème, nous sommes allés à la Mermaid Parade de Staten Island… à vélo. Environ 10 km de Prospect Slope en descendant par la piste cyclable de l’immense Ocean Parkway. Activité communautaire célèbre qui soulignait sa 23e édition, ce défilé de sirènes est plutôt l’occasion de se déguiser autour de thèmes marins – ou pas, d’ailleurs – et de se montrer les seins, un exploit dans l’Amérique ultra puritaine d’aujourd’hui. Une parade d’une heure environ, familiale au début puis de plus en plus exhibitionniste par la suite. Amusant clin d’oeil qui suivait notre longue promenade sur le Board Walk sous un soleil de plomb. Si la plage est noire de monde à certains endroits, peu se baignent. Un, l’eau est froide – polluée sûrement aussi – deux, de forts courants augmentent les risques de noyade.
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Gavés de soleil et de chaleur comme nous l’étions, la bière – euh pardon, les bières – prises au Happy Hour du Wine Bar (j’ai rêvé que c’était écrit en français, mais non!) de la 7th Ave accompagnées de délicieux tapas – chorizo cuit dans le vin rouge et mélange d’olives – m’ont largement enivrée. Je crois que j’ai réussi à m’accrocher 4 fois pour sortir sous le regard hilare du personnel! Le retour à vélo était à la hauteur, heureusement, un micro marché où j’ai trouvé le paravent de mes rêves (en fer forgé jaune paille) m’a permis de redescendre un peu sur Terre.
À ce registre, nous avons trouvé de petits lieux sympathiques où manger devient un réel plaisir ce qui, comme chacun le sait, occupe une importante partie de mon temps. Plusieurs se retrouvent déjà dans le guide NFT (Not For Tourist), nous leur recommanderons ceux qui n’y sont pas encore.
Je ne serais pas juste en oubliant de citer Chavella’s où notre dernier brunch mexicain était fameux, ou le Abigail Cafe où nous avons siroté un vin délicieux en écoutant de la musique tout en mangeant du fromage.
Qui a dit qu’on mangeait mal aux ÉU? Bon, je l’accorde, Brooklyn n’est pas les États-unis!!
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J’avoue, nous sommes allés à Manhattan… l’appel des musées, sans doute. Rien au Guggenheim qui préparait les installations de Lee Ufan; Nous avons continué sur Madison pour nous arrêter chez Hermès, où l’artiste japonaise Rinko Kawauchi présentait des photos sur le thème Illuminance. À mon sens, la boutique est largement plus intéressante que les photos, mais au moins, l’expo nous a donné l’occasion d’entrer.
Puis nous sommes partis vers le MOMA, après un arrêt chez Viand Cafe qui nous a beaucoup déçu par rapport à la dernière fois où nous étions allés dans ce micro restaurant fréquentés par les employés de ce coin (en face de chez Barney’s) du Upper East Side.
Et là – au MOMA donc – découverte jouissive de l’artiste belge Francis Alÿs dont l’exposition A Story of Deception nous amène au coeur d’une démarche créative étonnante. Alÿs vit à Mexico depuis une trentaine d’années et interprète à sa manière cinématographique, les paradoxes de sa société d’accueil. Ainsi, d’un petit film à l’autre, on découvre des moutons qui tournent en rond, une vieille VW Beetle rouge qui avance et recule pour tenter de gravir une colline sablonneuse, Alÿs lui même qui pousse un énorme cube de glace dans la rue jusqu’à ce qu’il ait la taille d’une bille, Alÿs, encore lui, qui se promène avec un Beretta qu’il vient d’acheter pour voir au bout de combien de temps il va se faire arrêter. Et la plus étrange, l’artiste qui tente de « pénétrer » une tornade de sable quitte à mordre la poussière très sévèrement. Ce type est fou, ce type est génial. Je ne sais trop. Mais son expo nous a marqué. Un déluge nous a accueilli à la sortie, nous obligeant – ah non! – à nous rendre à la boutique du musée en poussant la horde de touristes venue se réfugier dans cette Mecque de l’art contemporain (le musée, pas la boutique). Fort heureusement, nous ne sommes pas du tout dans un esprit mercantile, et nous sommes sortis les mains vides, direction la High Line, notre découverte du printemps passé.
Puis finalement, entre deux seaux d’eau nous tombant sur la tête et autres douches venues du ciel, nous sommes revenus chez nous… à Brooklyn.
Si on devait faire un court bilan, je dirais que notre week-end était formidable. De vrais moments partagés en amoureux – ça aide et ça change de la vie de famille permanente – des découvertes et un coup de coeur pour ce quartier dans lequel on se sentait parfaitement chez nous. C’est vrai qu’on demeure près du Mile-End et que Brooklyn y fait penser. Bref, notre envie instantanée de nous y installer un moment a bien sûr fait hurler de rire tous nos amis habitués à nos frasques de déménagement volontaires. Surtout, ça m’a permis de vérifier qu’une année en France était sûrement suffisante, pas pour faire tout ce dont on rêvait, mais plutôt parce qu’il existe tout plein d’autres endroits à découvrir dans le monde. Et ça, c’est bien.