J’ai écrit un premier roman. Oui. Je me suis commise. J’ai enfin osé. Je me suis jetée à l’eau. Cette grande aventure solitaire a commencé le 1er avril 2010 – ça ne s’invente pas – pour se terminer hier à la réception du bureau de deux éditeurs montréalais. Voici un extrait de ma lettre de présentation:
« Les Femmes aiment manger – c’est son titre – s’apparente assurément plus à un roman léger et court-vêtu qu’à de la littérature. On y retrouve quatre femmes, deux sœurs et deux amies, et leur perpétuel désir de rencontrer le BON compagnon. Leurs dérives, leurs excès, leurs expériences tournent souvent court, mais leur amitié les réunit chaque dimanche soir autour d’un repas thérapeutique. L’occasion pour moi de présenter des recettes, et pour mes héroïnes de régler leurs comptes avec humour.
Je ne sais pas quel sera l’avenir de ce roman. Il vivra sa vie de livre dans mes tiroirs ou sur les étagères d’une librairie. Moi, j’y ai trouvé quatre formidables femmes d’aujourd’hui, perdues entre l’éducation qui les a construite fortes et autonomes, leurs rêves d’un romantisme kitsch et une libido parfois débordante. Chaque fois que je me mettais à écrire, je retrouvais mes « copines » avec bonheur. J’ai réellement vécu quelques mois en leur compagnie et je crois, que les lectrices ne s’y tromperont pas. »
Journaliste depuis plus de vingt ans, j’ai publié un essai sur la famille aux Éditions de l’Homme (Des enfants, En avoir ou pas, 2002). Cette première expérience longue durée – 9 mois en tout – exigeante et rigoureuse, m’a surtout fait découvrir le goût d’écrire en toute liberté. Me faire corriger des virgules par un rédacteur en chef, après les mois de travail acharné sur ce livre, m’est devenu moins… pertinent. Et même si je caressais l’idée d’un roman depuis plusieurs années, il a fallu une rencontre clé pour m’en donner l’audace.
J’ai retrouvé P. sur les réseaux sociaux. Éditrice intérimaire, elle avait cette idée de Chick Lit et glanait des auteurs. Moi, je venais de décider – avec l’autorisation de mon mari – d’arrêter de chercher du travail pour me consacrer à l’écriture. Fidèle à mon habitude de pondre des projets régulièrement, j’avais déjà quelques idées en tête: des histoires assez sérieuses, forcément intéressantes… pour moi. Et puis, ce projet de roman léger, Beach Book comme disent les Chinois (Merci René Homier Roy pour cette expression que j’aime tellement utiliser) a déboulé, comme ça, sans préavis.
J’ai embarqué tellement vite dans mon histoire que j’ai pondu les trois premiers chapitres en deux semaines. P. les a lus, a émis des commentaires pertinents, constructifs, efficaces. Mais je suis une tête de mule. J’ai tout noté sans me remettre à bûcher sur les pages déjà écrites. J’ai préféré les utiliser pour les suivantes. C’est là que j’ai plongé. J’écrivais très tôt le matin pour ne pas altérer la routine familiale et ma propre dynamique. Plus la journée avance, moins mon cerveau fonctionne. En tout cas, moins il est prêt à rester concentré longtemps.
Vers quatre chaque jour, je m’installais devant l’écran, furetais sur le web histoire de réveiller mes neurones, et c’était parti. Deux éléments m’ont permis d’aller jusqu’au bout. D’abord, un plan. Dès que je me perdais, dès que je ne savais plus quoi écrire, je me référais à mon synopsis assez précis. À la manière des séries télévisées, l’histoire globale des personnages se poursuit tout au long des 12 chapitres, mais l’histoire parallèle d’un des personnages se déroule à chaque chapitre.
Ma deuxième motivation est venue de la complicité que j’ai développé avec mes quatre personnages. Chaque jour, j’avais un réel plaisir à leur donner vie et forme. J’ai ri avec elles, j’ai pleuré aussi… et j’ai mangé, bien sûr. Chaque recette présentée sort de ma collection personnelle. Le parallèle entre le personnage principal et moi s’arrête là! C’est important de le préciser.
Pour toutes sortes de raisons bonnes et mauvaises, les routes de l’éditrice et la mienne ont rapidement divergé. Je me suis donc retrouvé avec un manuscrit de Chick Lit pour adulte… sans éditeur. Or, je peux bien dire ce que je veux, j’ai écrit pour être publiée. Mais ce n’est pas si simple, encore une fois. Quand j’étais journaliste, je n’avais aucune idée de la présence de lecteurs même s’ils sont toujours dans ma ligne de mire. Quand j’ai travaillé sur l’essai, idem. La couverture médiatique de la publication – malgré de relatives piètres ventes (3500 exemplaires) – me laissait présumer que mon sujet intéressait un public.
Et là, le roman auquel je crois certains jours, pour le remettre en question les lendemains.
Apparté. Je ne suis pas perfectionniste: je travaille fort, j’ai des valeurs auxquelles je crois profondément, je me pousse le plus loin possible en fonction de mes compétences et des demandes (d’un employeur ou d’un contrat, par exemple), mais je m’arrête à un moment donné. Le manuscrit d’un roman pourrait être perpétuellement corrigé. Le temps passe, et soudain, on remet en perspective jusqu’à la nature même du projet. Alors moi, j’ai fait des corrections, une fois, deux fois; une troisième lecture des 260 pages avec encore quelques modifications, et c’est tout.
La crise existentielle est arrivée abruptement quand j’ai commencé à penser aux éditeurs. J’ai d’abord cherché parmi les contacts – certains tout à fait inattendus, ensuite, je me suis attardée au bouche-à-oreille des copines auteures. Sauf que mes amies n’écrivent pas dans le même répertoire. Finalement, le manuscrit est parti le 1 mai dernier chez cinq maisons d’édition de Montréal. Le premier refus est arrivé quelques semaines plus tard : l’éditeur n’était pas prêt à publier CE genre de roman que j’avais défini comme de la Chick Lit pour adultes. Rien du coté des quatre autres, toutefois il semble que je ne puisse rien espérer avant trois-quatre mois.
Dernièrement, j’ai pensé à un autre P. ancien collègue du Devoir, auteur lui-même, journaliste et workaholic avéré! Spontanément, avant d’avoir lu la première ligne, il m’a recommandé un autre éditeur auquel je n’avais pas pensé. Qu’à cela ne tienne, j’ai rédigé une lettre de présentation, j’ai imprimé deux nouvelles copies et hop. Enfin hier, mon manuscrit sous le bras, devant la réceptionniste, je n’en menais pas large. Comme si le livre existait pour la première fois – pour de vrai – alors qu’il n’est pas encore publié. Je me sentais tellement petite. Soudain, la petite madame devant moi a lu le titre du manuscrit – pour rédiger l’accusé de réception – elle a feuilleté mine de rien le lourd document, et elle a eu ce commentaire (qu’elle doit avoir avec tous les auteurs, mais ce n’est pas grave) : « humm, ça a l’air intéressant ». Merci madame, grâce à vous, j’ai enfin laissé mon bébé prendre son souffle et entamer sa propre histoire.
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Plagiat et cie
Si je résume, mon manuscrit est parvenu chez sept éditeurs (5 par courriel, 2 en personne) et je l’ai fait lire à 10 ami(e)s. Concrètement, ça donne au moins 17 bonnes raisons d’être plagié. Pfuu! Je ne peux pas m’empêcher de me dire que ça ne se peut pas. Et si ça avait lieu, et bien, force serait de constater que j’avais des idées… intéressantes. Bon, si le voleur obtenait un succès à la J.K. Rowlings, c’est sûr que je me battrais un peu pour obtenir une part du gâteau; mais c’est drôle, j’ai quand même de gros doutes que ça arrive!!
Et vous, que pensez-vous de ce risque?
Quel honneur d’être plagié par un membre de la cité, mais quel bonheur d’être cité (une page à la fois) par un membre honorifique.
Il est fini ce fameux roman! Félicitations! Et patience pour les réponses d’éditeur!
Pour ce qui est du plagiat, je dois avouer que je ne m’en inquiète pas du tout, à moins de détenir vraiment un concept hors du commun. Sinon, la beauté d’un livre est dans chacune des phrases, et ça, c’est dur à plagier!