une année en Gironde 37 – 4 mois déjà…

« Seulement? » me répond AnneSo quand je lui précise ce détail. « Mais j’ai l’impression que vous êtes là depuis toujours. » Nous aussi. C’est même fou à quel point on se sent chez nous dans ce coin de pays que nous adoptons… par hasard. Nous, les gens du Nôôôrrrd. Fred promené entre l’Allemagne, l’Alsace et Grenoble, et moi partagée entre Paris et Lille, avant de nous catapulter au Québec. Nous voilà, 20 ans et 25 ans après notre immigration réussie, de retour au pays natal.

C’est vrai, l’automne est exceptionnel. Pourquoi je le mentionne? Parce que dans ma volonté de quitter Montréal, il y avait le franc désir d’échapper à l’hiver au moins une fois. Or, quand un 11 novembre, on se balade en maillot sur la plage du Petit Nice (en bas de la dune du Pyla), quand on déjeune/dîne dehors le 21 novembre, je me dis que j’ai déjà gagné. Une de mes attentes est largement comblée. Je sais, ce n’est pas normal. Le ciel va finir par nous tomber sur la tête. En attendant, je prends ce qui passe et je profite de la clémence du climat.

Ensuite, la région allie plusieurs avantages notables: le rythme y est assez serein – on vit loin de la « folie » parisienne, la campagne est bucolique (même les vaches sont propres et jolies). Les gens n’hésitent pas à saluer, à papoter – parfois tendance bavards – à sourire. Tous ces clichés que l’on attribue traditionnellement aux Québecois et à leur accueil légendaire, nous les rencontrons ici aussi. On mange incroyablement. Je corrige, les produits locaux sont d’une excellente qualité. Qu’on pense au canard et à toutes ses déclinaisons. Perso, je trouve que les menus manquent terriblement de légumes; et dans notre village, certains ingrédients plus « exotiques » sont rares. Jusqu’à présent, je n’ai toujours pas trouvé de coriandre autrement qu’en poudre! Moi qui cuisine autant oriental qu’asiatique, africain ou français, je suis quelque peu décontenancée.

C’est sûr, si nous étions plus près de de Bordeaux, beaucoup d’éléments seraient différents et nous découvririons probablement les défauts des qualités. Notre village est à une heure de route de la ville qu’Alain Juppé a transformé en Patrimoine mondial de l’UNESCO. Le pôle politique, économique, social et culturel, l’animation, la vitalité, l’environnement existent, avancent, bougent… à 60 minutes de voiture. Ce qui signifie que nous sommes loin – mine de rien – des ouvertures professionnelles et de l’effervescence. Rouler matin et soir jusqu’à la préfecture de Gironde comme le font un bon nombre de nos copains d’ici, ne nous allume pas trop.

C’est sûr aussi – un des paradoxes qui nous frappe – que si je ne faisais pas mes aller-retours à Paris, je n’aimerais pas autant la campagne. Coincés au milieu des champs, sans occupation socialement acceptable, le temps est long. Quand je monte à la capitale, je suis sans enfants, à voir mes vieux potes et autres copines de longue date, à me concentrer sur des trucs que j’adore, qui me motivent, qui m’allument, et entourée de gens exactement sur la même longueur d’ondes. C’est un boost précieux pour affronter le calme absolu, la tranquillité et la sérénité de nos Landes adoptives.

Autre argument de poids, l’école du village est vraiment formidable. Avec ses bâtiments au milieu de la prairie, sa centaine d’élèves, ses institutrices motivées et son chef cuistot presque étoilé, elle est un véritable atout pour la commune. Quand nous constatons le chemin parcouru par notre fils en quelques mois à peine: le sourire qu’il a en partant le matin, ses copains joyeux et gentils, son envie d’y aller, nous n’avons pas envie de déménager. D’autant que les petits commencent à se faire à l’idée de rester…

Alors, 4 mois déjà, heure des premiers bilans

On reste ou on rentre? Nous n’avons toujours pas de réponse définitive, toutefois nous développons des pistes de réflexion.

Premier constat, nous sommes des bouffons. Oui, oui, je vous entend déjà, il n’y a que nous qui en doutions encore!! Merci les copains, sympa. Ce que je veux dire, c’est que nous avons – comme d’hab’ diront les mauvaises langues – sous-estimé les réalités de l’aventure. D’abord, les prix. Jamais je n’ai réalisé le prix de la vie courante en France. Tout, absolument tout, est cher… surtout quand on ne gagne pas d’argent.

Ensuite, le transfert de compétence. Fred avait son entreprise. Nous avons eu la naïveté de croire – pour notre défense, plusieurs nous en avait convaincu – qu’il travaillerait de la même manière et dès notre arrivée. Grossière erreur. C’est vrai que peu d’artisans sont fiables (on pourrait longuement débattre du plombier qui se fout littéralement de notre gueule) et que la chasse les occupe tout l’automne. Mais, le marché est actuellement assez ralenti, les chantiers et les techniques ne sont pas tout à fait les mêmes, et surtout, Fred ne dispose d’aucun contact sérieux. Or, développer un réseau professionnel, c’est long. Comme pour le moment, nous ne savons pas encore si nous souhaitons nous projeter dans l’avenir, il est encore plus difficile d’appréhender les ouvertures possibles. Comment se lancer dans une direction ou une autre quand on repart peut-être dans… huit mois? Après, il reste l’emploi alimentaire au salaire minimum; c’est sûr. Mais ça ne permet pas de vivre ne serait-ce qu’un dixième des envies que nous avions en arrivant. Et franchement, si notre vie ici doit reproduire – en pareil ou moins bien – la qualité de vie de Montréal, ça ne vaut pas la peine.

Enfin, la réalité de la France d’aujourd’hui qui n’est pas tout à fait fidèle à celle qui prévalait quand on en est parti. L’Europe va mal, de plus en plus mal, et l’Hexagone ne fait pas exception. Les grandes valeurs – école et santé en tête – sont en déroute; le monde du travail est redoutable (bac +4, spécialisation, trois langues et vous gagnerez peut-être le salaire minimum!) l’élite et les intellos rabâchent et s’écoutent parler depuis des décennies, personne n’a changé. La gestion de l’écologie fait peur. Juste un exemple, les maisons neuves continuent de ne pas être isolées dans notre région, parce que personne ne comprend que l’isolation est un réducteur de consommation énergétique quel que soit le climat. L’impression que j’ai, est que alourdis de siècles d’histoire et de prestige, les Français de plus de trente ans – quarante/cinquante, serait peut-être plus juste – sont engoncés dans des modèles qu’ils n’imaginent même pas remettre en question, même s’ils ont la preuve quotidienne de leur dysfonctionnement. C’en est affolant. C’est l’architecte royal Amonbofis qui dit à Cléopâtre : « Je fais comme on a toujours fait ». C’est ça, on fait comme on a toujours fait, ça ne marche pas, c’est pas grave, on ne se pose pas de questions, on continue de faire comme on a toujours fait. Quand j’écoute à la radio les bonzes, les cadres du pays, se gargariser sur des grandes phrases plates et vides, j’hallucine. Et puis, n’oublions pas, des Présidentielles se profilent, avec le risque grandissant des prolongations pour Sarko…

Pourquoi choisir de vivre ici ou ailleurs?

Tout est question d’équilibre. Une sorte de rapport coût/qualité. On ne décide pas d’un lieu de vie ni pour son architecture aussi superbe soit-elle (je le sais, j’ai vécu parmi les pires années de ma vie face au sublime Pont Neuf à Paris), ni même pour son climat (Montréal en est la preuve). Quand on est bien, qu’on a les moyens de vivre une vie décente et fidèle à nos valeurs et à nos rêves (du boulot donc, à moins d’être rentier ce que nous ne sommes pas), qu’on est entouré de gens qu’on aime (ou qu’ils vivent à proximité, ce qui aujourd’hui est fictif vu les moyens de communication à notre disposition), qu’on peut partager quelque chose qui ressemble à des moments heureux. Je crois que le reste est anecdotique.

Ma conclusion est que je peux vivre probablement à peu près partout sauf dans les pays où l’oppression politique ou économique règne. Je peux assurément fermer les yeux sur des points qui me dérangent, si je trouve mon compte ailleurs. Le jour où les inconvénients dépassent les avantages, autant partir. Ça n’a rien d’original, c’est plutôt pragmatique. Mais, quand 13000 Français partent vivre au Québec chaque année depuis cinq ans, je m’interroge sur notre santé mentale. En plein crise, propriétaires d’une superbe maison, professionnels avec un réseau de plus en plus solide (ça tombe bien en construction), nous avons traversé dans l’autre sens. Alors que faire? Trouver un bon psy, je ne vois plus que ça!!

Une réflexion au sujet de « une année en Gironde 37 – 4 mois déjà… »

  1. Chère Pascale,

    Bonne, je ne le sais pas, mais psy, comme tu sais, je le suis! 😉

    Il n’y a pas de bon ou mauvais choix, il y a votre choix… quand on est entouré de gens qu’on aime, on est gagnant.

    T’as pas besoin d’un bon psy…. T’as juste besoin de t’écouter toi et ta tribue.

    Pascale

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