Récemment, j’ai lu un très court lexique des expressions québécoises qui m’a fait « grimper dans les rideaux » (qui m’a mise en colère). Pourquoi? Parce qu’une fois de plus – comme Fred Vargas l’écrivait à pleines pages dans son roman « Sous les vents de Neptune » dont l’action se déroulait au Canada – ces expressions sont au mieux mal traduites, au pire, complètement inventées.
Je pourrais m’en moquer comme d’une guigne, mais je trouve fâcheux que les Français continuent d’alimenter un certain folklore condescendant autour des expressions québécoises comme si elles étaient plus rustiques que celles du Berri, de Savoie, des Antilles ou du Maroc. Une expression a une histoire, jusqu’à un certain point a un « sens » culturel et traduit une évolution de la langue qui s’adapte aux nouveaux arrivants, au langage des jeunes, etc. Au Québec, vivent 7 millions d’individus qui parlent un français mâtiné d’anglais. Forcément, même en tentant de limiter les dégâts par des lois toujours contournées, les Anglophones d’Amérique du nord sont… 270 millions en arrondissant, quarante fois plus. Alors, les expressions québécoises sont souvent des détournements de l’anglais, des adaptations ou des traductions. Je parle ici de locutions et non de vocabulaire: dans certaines professions très spécialisées (construction, transports et automobile, sciences) tous les ouvrages de références, les outils, les matériaux, les techniques, etc. proviennent des États-unis… en anglais uniquement. Ou encore, elles sont inspirées du vieux français ou du français régional.
ah cette liste… je crois surtout que les Québécois qui ont prononcé ces soient-disant expressions devant les auteurs du tableau se sont bien fichus de leur gueule!! commentaires:
ça fait une escousse ??? t’es ben jambon??? poivrer quelqu’un ??? un capot, un manteau ??? jamais entendu aucune de celles-ci;
BONNE NOUVELLE, CERTAINS D’ENTRE VOUS ME LISENT… ATTENTIVEMENT. Je me suis donc fait reprendre sur mes commentaires sots et grenus; Ainsi, au Saguenay et en Gaspésie, même les moins de 30 ans utilisent « ça fait une escousse ». Et partout ailleurs, le « béconne » (bacon, dans sa prononciation locale) est effectivement en rapport avec l’argent. MEA CULPA donc. Ce qui m’amuse follement, c’est que ce sont des Européens qui m’ont corrigé 😉 Vous voyez, je suis une bonne fille, je corrige spontanément mes erreurs.
cramper en masse : faire un virage serré ???? cramper suggère les crampes au ventre quand on rigole. Être crampé = piquer un fou-rire – À QUÉBEC, ON CRAMPE POUR FAIRE UN CRÉNEAU…. L’IDÉE DU VIRAGE SERRÉ DONC
prendre le clos??? non, prendre le champ – SE DIT VISIBLEMENT À QUÉBEC
frapper un noeud??? non, frapper un mur – OUAIS, ITOU
avoir du bacon, avoir de l’argent??? jamais entendu. On a des bidous (avoir de l’argent)… et on se pogne le bacon (on n’en glande pas une)
faire simple, faire le pitre… jamais entendu dans ce sens, mais plutôt « fais simple, déniaise, va au but », ou bien il fait simple, il fait benêt. IL SEMBLERAIT QU’AU SAGUENAY (ENCORE… C’EST BIEN LE BASTIN DU PATRIMOINE LINGUISTIQUE) ON DISE BIEN « POURQUOI TU FAIS SIMPLE DE MÊME? »
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faire patate au lit… peu utilisé (vieillot), pas juste au lit, on fait patate dès qu’on se plante
un ostineux, comme s’ostiner; on n’écrit pas et on ne prononce pas le « b »
bibitte, pas bebitte; juste une question de prononciation
des bobettes : tous les sous-vêtements, pas juste les slips
on ne dit pas une « vieille » minoune, vu que minoune suggère vieille voiture
des boeufs pour les flics, et elle vient d’où l’expression 22 v’la les boeufs?… de France
ça va barder, pas employé au Qc, mais en France; j’ai toujours entendu ma famille dire ça va barder…
les gosses (les couilles) se décline : être gossant (être chiant), gosser dans quelque chose (farfouiller, triturer, bricoler)
péter la balloune, pas juste pour le taux d’alcool, c’est l’idée du dépassement; et « il m’a pété ma balloune » il a foutu mon rêve en l’air…
sauter la clôture, pas juste tromper son conjoint, c’est l’idée de transgresser
capoter ben raide, être énervé de joie ou de colère; j’capote = j’adore, ça me fait capoter = ça me fait chier; « il a capoté » = il a pété les plombs;
on ne fait pas un flat, on pogne un flat, comme on pogne un ticket (PV)
…. comme la liste ci-dessus est loin d’être exhaustive, j’en ajoute quelques-unes que j’aime particulièrement, qui sont utilisées par tout le monde, au jour le jour, sans complexe. C’est la langue qu’on parle à Montréal quel que soit notre niveau de langage… écrit. Et si je n’ai pas vraiment d’accent quand je parle, dès que j’évoque le Québec ou que je discute avec mes ami(e)s, je retrouve instantanément l’emploi de toutes mes expressions. Cette langue-là, elle fait partie de moi, et je n’envisage pas de la perdre. C’est mon patrimoine, comme la tarte de sa mamie et la pêche avec son papie (référence Kaamelott, ici)
1. les sacres. Comme la religion catholique a cadenassé le Québec pendant trois siècles, quand la population s’en est débarassé, elle a utilisé les sacrements comme des jurons. Et ça donne :
crisse, tabarnak, osti (souvent prononcé ‘stie en fin de phrase, comme le ‘tain de putain en français de France), sacramain, calvaire (que personnellement j’emploie énormément), viarge (ça c’est très très vilain, à ne crier que dans des cas exceptionnels!), câlisse, etc. On peut les enchaîner dans une élégante séquence : crisse de câlisse de tabarnak, par exemple. Là, la madame elle est très fâchée.
2. les jeunes d’aujourd’hui. Pour mes filles nées, élevées au Québec, d’un père et d’une famille paternelle québécoise, le langage ressemble plus à celui des jeunes de Montréal que de Paris ou Nice. En prime, elles parlent l’anglais d’Amérique, avec ses films, ses chansons, ses sites web, ses people, etc. Le tout est donc un joyeux mélange – photoshop linguistique, comme dit Fred – parfois étrange et insensé (au sens premier du terme)…
ainsi elles « chillent » (prennent ça cool) – parfois, elles répondent « c’est chill » i.e. d’accord, elles « veggent » (font les légumes, glandent donc), plus étrange, elles sont « down » de faire quelque chose (elles sont d’accord), « shot gun » pour la douche (prem’s, c’est moi la première qui prend ma douche, etc.)
3. le patrimoine justement (j’écris comme ça se prononce au Québec). Je me souviens grâce aux éléments « pognés » avec une bible d’expressions québécoises.
quétaine : l’intraduisible quétaine, plus ou moins kitsch, plouc, ringard; très très très employé pour définir une personne, un objet, une attitude;
tomber en amour : être amoureux bien sûr, merci Sophie pour cet ajout
être sur son 36 : être sur son 31
parle-moi de t’sa : comme tu dis, tu l’as dit bouffi !
mets-en : c’est ça, t’as raison, et aussi mets-en (c’est pas d’l’onguain): rajoute-en une couche
déniaiser : se bouger le derrière
se crinquer : se remonter tout seul
j’chui pu capable : j’en ai ras-le-bol (merci Séverine de l’avoir rappelée celle-là!)
être chaud, être chaude : être soûl, saoule
pogner : prendre dans différents sens, se faire pogner ou pogner une fille par ex.
avoir la chienne : avoir peur
avoir du front tout le tour de la tête : être gonflé, ne pas être gêné par les entournures
avoir un front de beu (de boeuf) ; être têtu
être mal emmenché : être de mauvaise humeur
être mal pris : être dans une mauvaise situation
être habillé comme la chienne à Jacques : être mal habillé
faire habitant : faire plouc, paysan, faire dur
avoir la plotte à terre: être épuisé (en sachant que « plotte » est le pubis, l’expression est plutôt vulgaire)
tigidou : d’accord
j’chu tannée : j’en ai marre (très très très employé dans les familles, par les mères en particulier qui en ont assez des conneries des enfants)
c’est platte : c’est ennuyeux
c’te écœurant : c’est génial
varger : donner des coups, frapper, vas-y fais moi mal Johnny
de la liqueur : des boissons gazeuses
un gino : un plouc macho viril
pitoune : (vient de Happy Town, quartier de putes), la fille sexy tendance pouffiasse, mais aussi la belle fille; ça dépend du ton et de l’affection
une blonde: une petite copine
un chum : un ami en général (mes chums), un petit copain en particulier (mon chum); une fille pourra préciser « mes chums de gârs » (mes amis les garçons, pas d’amoureux)
des sparages : des grands gestes, en faire trop
les vidanges : les poubelles, les ordures
les flots : les enfants
se chicaner : s’engueuler
barrer la porte : fermer
toffer : (vient de tough en anglais) endurer, supporter une situation
enwoyer, « allez enwoye, déniaise » : vas-y, bouge-toi, fais quelque chose
tripper : être super content
buzzer, être gelé, être faite : être stone, avoir consommé des expédients
se prendre pour un autre : être prétentieux
tomber sur les nerfs : énerver quelqu’un
ambitionner : péter plus haut que son cul
attache ta tuque : accroche-toi
tin toé: et pan dans la gueule
chauffer : conduire
magasiner : faire du shopping vs. faire l’épicerie : faire les courses de bouffe
crouser : draguer
jaser, placoter : papoter, bavarder
minoucher : caresser
manger une volée, en manger toute une : se faire casser la gueule, perdre
sacrer son camp : partir, s’en aller
avoir les yeux dans la graisse de binnes : être mort de fatigue, être épuisé
chialer : se plaindre
ça va faire, c’t assez : ça suffit
être fou comme la marde : être hystérique
se pogner le beigne, le bacon : ne rien faire
s’tirer la pipe : agacer, taquiner
évacher, effoirer dans le sofa : avachi dans le canapé
écrapouti : écrasé
ça fait image, ça parle : on imagine bien
avoir l’air bête : faire la gueule
le vocabulaire de l’hiver : le banc de neige, la poudrerie, etc.
les insultes : niaiseux, niochon (idiot), tata, téteux (flatteur), truchon, guidoune, ticoune, grand flan mou, baveux (moqueur voire ironique), langue sale (qui dit des méchancetés sur les autres), mangeux de marde, casseux de party (ennuyeux, rabat-joie), péteux de broue (prétentieux), poche molle (trouillard)
* prononciation des diphtongues : brain vs brun
* inversion du sujet : tu veux-tu? tu penses-tu? tu me passerais-tu? t’irais-tu chercher…? etc.
* féminisation des mots qui commencent par a : l’argent, elle est sale; l’aéroport, elle est loin; la bus, elle est au coin de la rue; l’avion, elle est en retard, etc.
* les horaires : on déjeune le matin, on dîne le midi, on soupe le soir; à table, on mange avec des « ustensiles »
des mots qui changent… un abreuvoir (une fontaine publique d’eau potable); de la broue (de la mousse, et par extension de la bière); des bébelles (des cochonneries, babioles, plutôt de filles); un aiguisoir (un taille-crayon); de la gomme (du chewing-gum); une efface (une gomme); du Coke (du Coca Cola); un pitou (un chien); un toutou (une peluche); un dépanneur (l’arabe du coin); une vue (un film); des binnes (des haricots plutôt rouge ou blanc); des fèves (des haricots verts); des cannes (des boîtes de conserves); de la laitue (de la salade verte uniquement); de la salade (de la salade composée)…
les mots complètement anglais… baquer (donner son appui, son accord); bosser (se comporter comme si on était le patron); canceller (annuler); céduler (prendre un rendez-vous); Être djammé (coincé), raqué (fatigué, endolori), dérenché (en piteux état), fucké (brisé), badloqué (malchanceux).; kiquer (donner un coup de pied); ouatcher (garder à l’oeil); ploguer (brancher); slaquer (congédier et relaxer); Scorer (marquer des points); Spotter (apercevoir); Rusher (se dépêcher, faire à la hâte); La sloche (gadoue), la scrappe (déchets), la poque (rondelle de hockey), l’élévateur (ascenseur), le flat (crevaison), le beurre de pinottes (d’arachides).
Normalement, avec ça, vous partez bien pour vous débrouillez à Montréal; Après, c’est grand le Québec et il y a encore tout plein d’endroits où les accents sont très costauds, sourds et profonds… du coup, et bien, bonne chance !
Hey ma floune, tu t’es pas gardé une pt’ite gène toié! En tout cas ça fait une secousse qu’on s’est pas vu c’est sans doute parce que ma blonde est équipée pour veiller tard pis que depuis qu’ j’ai du beacon on part tripper dans l’sud. Je crois que pour saisir ce genre de patois culturel il faut sortir d’Outremont et aller se balader à Chicoutimi ou à Gaspé, là le vrai pataois québécois surgit plus fréquement qu’au coin de Van Horne et Outremont
Mon Pat’ ton commentaire m’étonne… c’est sûrement pas après une coup’ d’années en BC que tu maîtrises le « patois » de Chicoutimi; c’est un peu comme si tu t’étais fait souffler la réponse!
Ben justement non y’a pas de soufflerie ! Je reviens tout juste de Chicoutimi où j’ai été surpris d’entendre parler du « vrai » Québécois ! Ma blonde a décidé de rendre visite aux urgences un matin de bonne heure il y avait un gars qui parlait avec une madame et comme on dit en bon français, j’en travais que dalle (ou presque.) Je me souviens aussi d’une entrevue faite sur l’île aux coudres ou j’ai été obligée de prendre une traductrice. Alors, je pense que le québécois joual se parle, qu’il est très imagé et qu’on ne l’entends que quand on sort des sentiers battus, en soirée de hockey au Saguenay ou encore en écoutant Radio mon shack en Gaspésie. Si t’as jamais écouté radio mon shack, t’as jamais vécu le vrai choc culturel québécois !
ahah! J’ignore comment j’ai atterri sur votre blog, mais je suis surpris qu’on parle de « Dans mon shack » jusqu’en France!! Vous avez corrigé, mais effectivement toutes ces expressions s’utilisent à un endroit ou un autre au Québec. Et il y en encore beaucoup d’autres! Pire, elles ne veulent pas toutes dire la même chose partout. De plus, les accents varient aussi beaucoup. En passant, un ajout par rapport aux sacres: on peut l’utiliser comme nom, verbe, adverbe ou adjectif. Ex: « Y me fait chier le p’tit criss, m’a y en calicer une tabarnak »