Ce roman est un « Page Turner », comme disent les Chinois. J’aime cette expression américaine pour traduire l’enthousiasme du lecteur à lire jusqu’à la dernière page, dès qu’il a un instant de libre. C’est à peu près dans cet état d’esprit que j’ai dévoré le 10e roman de Franck Thilliez.
Je ne sais pas si l’auteur a suivi un jour des cours d’écriture de thriller, mais son livre est d’une efficacité redoutable. Harlan Coben et John Grisham n’ont qu’à bien se tenir, Thilliez joue dans la même cour avec les mêmes jouets : une enquête irréprochable, un paquet de macchabés aux fins bien violentes, des rebonds fréquents, du contenu – ici, scientifique – exploité au maximum, des flics intenses, honnêtes et pas trop déjantés (on est loin du Wallander de Henning Mankell), une histoire d’amour.
Lucie Hennebelle est au chevet de sa fille malade. C’est l’été, les vacances. Sharko est en proie à une schizophrénie paranoïde depuis la mort de ses femme et fille, et les médecins tentent de le canaliser. Ces deux détectives têtus vont se retrouver mêlés à une enquête déroutante : d’un côté, un cinéphile amateur qui devient aveugle après avoir visionné un film très particulier, de l’autre, cinq squelettes retrouvés la boîte crânienne sciée.
Évidemment, les deux histoires sont liées et conduisent les détectives persévérants d’Égypte au Québec, pour finalement mettre à nu un réseau extrêmement violent qui manipule les pulsions directement dans le cerveau. Un truc de fou, vraiment. Inspiré de la réalité, ou pas, je ne sais pas, mais Thilliez nous y fait croire totalement, et nous lecteurs avons envie d’imaginer des groupes de malades qui jonglent avec nos instincts les plus vils.
Bref, ça se lit à fond. Je n’ai jamais boudé mon plaisir et j’en redemande. Cependant, une partie du roman se déroule au Québec et franchement, c’est pas fort. Les noms de famille sont décalés – Lucie Richaud est aussi Québécois que Paul Tartin serait Français, ça ne marche pas, Michaud oui, Richaud, non – les lieux, les horaires ne fonctionnent pas plus. Je ne connaîtrais pas Montréal, je m’en moquerais et je n’aurais rien vu, mais j’y vis et ça m’ennuie que des auteurs dévissent la réalité. Bon après, ça ne m’a pas empêché de lire la bave aux lèvres !!
En France, Thilliez est reconnu pour son amour de l’enquête scientifique. Ainsi, il beurre épais sur le contenu. Pas de limite pour passer de l’info scientifique, et ça y va. Ici, l’utilisation du cinéma, de l’image, de l’oeil finalement pour révéler ce qui sommeille en nous: des envies ultra violentes et des pulsions de meurtres qui, si elles étaient vraiment utilisées, pourraient conduire des armées au pouvoir. il est intéressant de se poser la question surtout à une époque où n’importe quel artiste, n’importe quelle personnalité un peu charismatique, n’importe quelle marque, etc. parvient à faire bouger les foules dans un sens ou dans l’autre.
Un livre qui se dévore, une réflexion qui s’amorce, deux éléments positifs qui confirment combien j’ai apprécié la lecture de ce livre. J’ai hâte au 2e tome de ce diptyque.
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À lire, un article de Télérama sur Franck Thilliez, mai 2011.