Avec mon cycle d’écriture de polar, je me mets à lire tout ce que les librairies comptent de polars français (quand je dis « tout », j’extrapole, il y en a des tonnes). J’ai besoin de prendre le pouls du marché: qu’est-ce que j’aime? qu’est-ce qui est publié? qu’est ce qui marche, sous-entendu qui vend? J’ai ainsi découvert que parmi les 10 auteurs qui vendent le plus* (tous styles confondus) de 2011 : Guillaume Musso, Fred Vargas et Maxime Chattam écrivent des romans noirs.
À ce registre, je suis plutôt familière avec les Américains (anglo-saxons en général). J’ai commencé, adulte – après le Club des cinq, le Clan des sept, Fantômette et les Agatha Christie, de l’enfance – il y a bien bien longtemps par La Nuit du renard de Mary Higgins Clark. Je me souviens encore des frissons de la lecture; Chose plus improbable, je me souviens encore de l’histoire… Avec mon passage à l’anglais dans le texte, je me suis attaquée à Connelly, Grisham et consorts, surtout en voyage ou en vacances ou après une longue période d’abstinence littéraire. Ah le pied total avec Mystic River de Dennis Lehane! Des best sellers quoi. J’ai aimé un moment le Dr Scarpetta, héroïne de Patricia Cornwell. Dernièrement, j’ai troqué l’Amérique pour la Suède et dévoré Mankell. En revanche je suis une des rares à ne pas avoir spécialement apprécié Millenium. Enfin, Dona Leon et son inspecteur Brunetti, ou Ian Rankin et son improbable John Rebus me séduisent. Entre Venise et Edimbourg, ces auteurs me baladent avec un style irréprochable.
Le polar (thriller, roman noir, etc.) m’apporte le même buzz qu’un film d’action. À ce registre, les Américains savent faire, ils sont redoutables d’efficacité. « It is a Page Turner » commentent-ils du dernier Harlan Coben. Et pour cause. Un polar est écrit à partir d’une structure narrative très précise. Aucune place pour laisser aller les personnages où bon leur semble. Non, tout est planifié dès le début, comme un scénario Hollywoodien. C’est exactement ce que je suis allée chercher dans mon cycle d’écriture. Découvrir, comprendre, apprendre, appliquer cette mécanique implacable.
Si j’écris pour être lue, j’écris aussi – d’abord? – pour le plaisir.
Jean-Paul Jody, l’animateur découvert lors du stage d’initiation à l’écriture de scénario de l’automne dernier, travaille dans cet esprit : aucune complaisance, une ligne directrice claire, de la rigueur et de l’humour. Six week-ends étalés de décembre à mai pour, normalement, pondre un manuscrit. Je sais déjà que j’ai peu de chances d’y parvenir dans les temps, si tant est que je parvienne à me commettre jusqu’au bout !
Nous sommes six, trois femmes, trois hommes, de la trentaine à la soixantaine. Des ambitions, des fantasmes, des vies différentes. Six histoires, forcément : Un policier dépressif qui se découvre un père maffieux; Une femme qui rencontre un oncle pédophile; Un chercheur tué parce qu’il travaille sur un virus assassin; Un Serbe au bras coupé qui confronte son bourreau; Un agent du contre espionnage qui négocie la libération d’une otage au Vénézuela… et la mienne.
Cette nuit – 4 février, autant dire la veille du 4e week-end – j’ai rêvé une nouvelle histoire parce que je ne m’en sors pas. Je ne suis pas sûre, au réveil, de m’en souvenir complètement ! Peut-être est-ce une bonne chose, je ne sais plus. Bref, le point de départ?
« Laura, 14 ans, est admise à l’hôpital dans un état grave : fracture du crâne, hémorragie, hématomes sévères, sous-vêtements et chemise déchirés, jupe maculée. L’enquête sur ce viol présumé est confiée à la nouvelle enquêtrice. Pour ses débuts au commissariat de Bordeaux, Lou Sanders va mettre le nez dans le linge sale de gens pourtant très propres sur eux. »
Pour ceux qui s’en souviennent, Lou Sanders est le personnage que j’avais imaginé en remplacement de SAS, dans un concours WeLoveWords à l’automne dernier. C’est une métisse aux yeux verts… Halle Berry, quoi. Elle fait du yoga, n’aime ni les armes à feu ni les voitures, et ses colères sont mémorables. Ex-flic à Brooklyn, elle a suivi son amoureux français à Paris. Dans mon fantasme, cette histoire scellerait le premier épisode d’une série conduite par la détective.
Ça, c’était avant que JPJ passe à l’attaque… Mon scénario est passé au bat’ dès le 1er we; Je l’ai fait évolué, mais je m’en suis repris une dose le 2e we. En prime, mes personnages n’étaient pas assez solides. Je prends les mêmes, je recommence. Lui aussi ! 3e wee, j’apprends que non seulement je dois revoir le scénario, en revanche, mon style est trop académique et là encore… je dois y voir.
École de l’humilité.
Bon, j’avoue, je dois avoir un fond masochiste, parce que je suis contente finalement. Je sors de ma zone de confort dans le fond comme dans la forme. Je suis obligée de me pousser chaque fois un peu plus loin. J’avance. Ce que j’ai pris au début pour de l’acharnement s’avère, je crois, un témoignage de ma capacité à évoluer, à progresser.
Aujourd’hui, même si j’ai gardé plusieurs éléments originaux, je suis ailleurs…
« Inspiré par la légende de Ougadou découverte au Mali, un cercle initiatique de quinquas s’offre régulièrement de la chair fraîche. À l’occasion de ces libations libertines, l’un d’entre eux viole sa propre fille et part complètement en vrille. Les autres, fidèles à leur engagement réciproque et absolu, vont s’assurer de préserver leur réputation et leur mode de vie… » Mais où est Lou ? me direz-vous peut-être. Laura, l’ado abusée, est son élève préférée, la détective en devenir entend bien découvrir ce qu’il lui est arrivé et confondre les coupables !!
Allez, au boulot.
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* Palmarès Figaro littéraire, 20 janvier 2012: Guillaume Musso, 1.567.500 exemplaires – Marc Levy, 1.509.000 exemplaires – Katherine Pancol, 1.213.000 exemplaires – David Foenkinos, 967.000 exemplaires – Fred Vargas, 790.500 exemplaires – Tatiana de Rosnay, 674.000 exemplaires – Delphine de Vigan, 519.500 exemplaires – Françoise Bourdin, 470.000 exemplaires – Amélie Nothomb, 429.500 exemplaires – Maxime Chattam, 421.500 exemplaires