Amsterdam

Réveil au coeur de la nuit. 1 heure de route, 1 d’attente, 1h30 de vol. J’atterris à Schiphol les paupières engourdies. J’ai cinq heures devant moi pour profiter de la ville avant le prochain décollage. C’est parti.

J’y étais allée il y a plus de vingt ans. J’avais adoré. Aujourd’hui, malgré le peu de sommeil et un passage beaucoup trop rapide, je retrouve le même plaisir. Intact. Il fait beau, prémisse à l’été. La ville se réveille. Le quartier chaud s’endort à peine, les rideaux de fer sont baissés devant les sex-shops. Je marche droit devant – pas facile quand le centre suit les canaux en arc-de-cercle – en cherchant des trottoirs accessibles entre les vélos, les vélos et les vélos. Quelques voitures, certes. Des grosses surtout : BMW, Audi, VW se partagent allègrement le marché.

Le vélo est roi et maître. Ils sont partout. Hommes d’affaire en costard, talons aiguilles et bas nylon pour les dames, look grano jupes multicolores et Birkenstock, tout le monde roule sur les pistes cyclables aménagées sur tous les axes. Soit en parallèle des voitures, soit sur les trottoirs. Les piétons ne sont pas les bienvenus, sauf dans les rues piétonnes et encore. Là encore, les vélos déboulent de tous les côtés. Mais… l’usage du vélo est tellement naturel – inné ? – qu’il est parfaitement civilisé. Les cyclistes attendent gentiment aux feux de signalisation qui leur sont réservés. Quelques sonneries pour prévenir les piétons. Rien d’agressif. Tous les moyens de transport circulent en franche convivialité (tramway, deux et quatre roues, pieds), avec une certaine priorité aux vélos!

Parfois… ça ne tourne pas rond. Ça donne un moton de vélos !

Moi je dis qu’avec une langue pareille, c’est pas facile de trouver son chemin. Et je n’avais aucun Hollandais à faire rire en essayant de parler avec les mêmes mots que lui. Quoique, un marmonné « Have a good day » sonne visiblement comme un « Godde » local, qui m’a valu bien des sourires. Quand je pense que j’ai oublié mon « dankke » qui s’apparente vachement à « danslecu ». Des heures de plaisir.

Des canaux, toujours des canaux. Des larges, des étroits. Accès à l’eau ou trottoir. Reflets. Venise du nord, au privilège partagé avec Bruges en Belgique. Et plein de péniches. Une image de Sausalito (en face de San Francisco) et ses villages flottants.

Pour aller d’une rive à l’autre : des ponts. Je l’aimais bien celui-ci. Piste cyclable, bien sûr.

Les femmes sont belles. Je m’étais fait le même commentaire lors de mon premier séjour. À l’époque, les rousses flamboyaient. Aujourd’hui, plutôt blondes. Le vrai, le scandinave. Grandes, solides, plantureuses, naturelles. Rubens devait trouver ses modèles en sortant de chez lui. Peu maquillées, habillées simplement avec des vêtements bio aux couleurs passées. Granos, ou babas-cool, selon le continent. Toujours avec goût, parfois excentriques. Elles sont magnifiques.

Pour moi, Amsterdam est aussi – avant tout ? – une ville de tolérance. Fumer du pot est légal, l’euthanasie médicalisée aussi. Aucun des millions de cyclistes ne porte de casque. Les fils et filles de cyclistes sont assis sur de minuscules sièges devant ou derrière leur parent, à moins qu’ils ne soient installés dans une « brouette » en avant. Pas d’hystérie sécuritaire permanente. Les gens sourient, saluent, dans une drôle de langue, certes.

Au hasard d’une place, j’ai trouvé un marché aux puces. À 10:00, les marchands installaient leurs étals. J’ai pris un café, en terrasse, avec un bagel. Rien à voir avec ceux de St-Viateur, mais j’avais faim et ils étaient bien bons. Il y a de tout : des jambes et des masques à gaz, des sabots en peluche et des cadenas, des robes à plis sages et des sarouals indiens, des DocMartens et affiches à l’effigie des feuilles de marijuana. Enfin, sur l’ensemble, au moins huit kiosques dédiés aux vélos. Au fait, une bicyclette hollandaise d’occasion (lourde, haute, confortable, sage) se vend autour de 80 euros (110 $). Et si j’en exportais vers Montréal ?

Du marché, direction le Hortuus Botanicus. En pleine ville, ce petit jardin botanique est à l’image de la culture locale : simple et naturel. Pas de travées sophistiquées entre les plates-bandes. Pas d’arrangements structurés. Des muscaris et des jonquilles poussent partout. Elles attendant de faire une place aux 30000 tulipes qui s’épanouiront dès le… 30 mars. Zut, à trois jours près, j’ai raté l’événement. La Hollande, pays des vélos, et des tulipes! Au nombre de vélos, j’imagine à peine la folie des fleurs printanières. Les grandes serres. Trois écosystèmes dans la plus récente: tropical, équatorial et désertique. On se déplace de l’un à l’autre en franchissant une porte coulissante. Mes lunettes ne se sont pas remises de l’arrivée sous l’Équateur, quand la jungle saturée d’humidité, inonde tout ce qui bouge. Odeur de voyage. Bonheur du dépaysement. Pas de bestioles. L’ancienne serre me transporte à une autre époque. Au 19e peut-être, quand les explorateur rapportaient des graines et des plantes d’un ailleurs inconnus des Européens. Il y a un côté suranné à cette immense structure métallique sous laquelle les palmiers s’épanouissent. Sous la coupole, une passerelle se transforme en canopée et présente un autre étage de cette forêt domestiquée, entièrement mise en pots.

Finalement, je termine à l’antenne hollandaise du musée de l’Hermitage. Rubens, Jordaens et Van Duyck. Trois maîtres du 17e qui ont transformé l’art du portrait, en particulier. Sous leurs pinceaux, les sujets ont pris de l’envergure et du panache. Avec une précision photographique – quoi à ce registre Brueghel l’ancien était imbattable – ils ont organisé des compositions plus dynamiques – voire théâtrales, joué avec la lumière en créant des effets d’ombre et de lumière, et utilisé la contre plongée pour magnifier les personnages. Charles 1er d’Angleterre et son épouse Henriette de France ne s’y sont pas trompés, en nommant Van Dyck peintre officiel de la cour. Aux Pays-bas, Rubens avait tellement de commandes qu’il n’en faisait souvent que les esquisses pour confier leur réalisation aux employés de son Atelier. Personnellement, j’ai beaucoup apprécié Jordaens dont les portraits de famille se différenciaient par une humanité touchante. Une fois de plus, l’audio guide m’a aidé à aborder ces oeuvres, mieux comprendre le contexte dans lequel elles ont été produites. Mieux les appréciées, fatalement.

Pour retourner à la gare Amsterdam Centraal, j’ai opté pour le méandres de rues piétonnes qui quadrillent le centre.

Sans avion à prendre, j’y passais des heures, que dis-je, des semaines. Cafés – pas seulement les Coffee Shop, au fait – boutiques, artisans, terrasses. Le regard se pose, explore, découvre, adore. Je m’arrête, entre, fouille, trouve, rêve d’acheter, ressort les mains vides. Recommence juste à côté.

Balance à pot ? Méchant trip !

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