… Pas Montréal dans le Gers à 1h de notre village d’adoption. Montréal, au Québec. Là où j’ai vécu les 25 dernières années. Chez moi, finalement.
Nous avons quitté la ville il y a neuf mois et franchement, rien n’a changé, ni dans les rues, ni dans les coeurs. Notre maison, nos amis, mes habitudes, mes repères. J’en suis presque surprise. Je m’attendais à un dépaysement après les milliers de kilomètres parcourus en France. Non.
Montréal, c’est chez moi. Bernos Beaulac, aussi. Faculté d’adaptation ? Peut-être. Incapacité à m’accrocher quelque part ? Sûrement.
Une courte semaine donc, normalement occupée à l’administration familiale, mes grandes chouchous et mes copines. Un aller-retour express qui draine son lot de réflexions.
– Where is Home ? disent les Chinois.
– Je ne sais pas, je leur réponds les yeux embués.
Impression inattendue d’avoir un pied posé de chaque côté de l’Atlantique. Le cul entre deux chaises. La tête entre deux amours.
Être revenue me rappelle que j’aime sincèrement Montréal. Ville de ma renaissance. Après les cruelles années de la sortie de l’adolescence, j’y ai construit l’adulte, la mère, l’épouse. Après 25 ans, il était temps de quitter le nid et de voler ailleurs. Retour au pays natal, pourquoi pas? J’aurais pu aller n’importe où. La France, c’est pratique. Langue, culture, société, repères, paysages… là encore, peu de choses ont changé finalement.
Montréal donc. Je n’ai pas touché une fibre de viande. Je me gave de légumes, de tofu, de graines, de pousses germées, d’épices et de saveurs. Restos indien, iranien. Coriandre, gingembre, citron vert. Poissons. Mon vin est italien, chilien, sud-africain, californien. Ici, les cheveux sont blonds, bruns, roux, roses, bleus, verts. Les formes, courtes ou élancées. Habillées croches ou raffinées. J’aime cette variété. Liberté.
J’ai quitté la Gironde par un anormal 30°, je marche dans les rues de Montréal par -6°. C’est aussi pour ça que j’avais envie de partir. Même si le ciel est d’un bleu limpide comme il était légion à mon arrivée en 1987. Mais, la vie est « gentille », les prix « doux », les soldes « à l’année ».
Les expat’ m’en veulent, j’ai trompé leur ville. Ils multiplient les arguments – souvent justes – pour me faire revenir au foyer. Ils comparent, à raison. Montréal tout charme printanier, où les étudiants engagent leur mai 68. Je n’ai aucun argument à leur opposer. La France va plutôt mal, très mal. Pourtant j’y suis bien. Chez moi.
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Merci mes amours de me bichonner, de me bisouiller, de préparer nos repas, de proposer des sorties, d’avoir des idées, de discuter, de m’ouvrir les yeux, de me questionner, de me confronter… Tant que vous serez là pour me secouer – parfois un peu fort – je resterais vivante.