Depuis 2001, le mariage homosexuel est légal aux Pays-bas. La Belgique et la Colombie britannique (province du Canada) vont dans le même sens dès 2003. Deux ans plus tard le Québec et l’Espagne l’autorisent aussi. En 2012, en pleine campagne électorale, la France n’a toujours pas dépassé l’étape du… débat.
Vieux monsieur respectable, Pierre-Marie Guillon – oui, le père de l’autre, Stéphane – a décidé de se pencher sur la question. Avec une rigueur intellectuelle, témoin de longues années de journalisme économique, il dépouille les idées reçues de leurs fondements. Une démonstration d’une logique implacable pour confondre les derniers sceptiques.
Au coeur de sa réflexion, l’amalgame au fil du temps – spécialement à partir de la rédaction de la Constitution de 1792 – du religieux et du civil dans la sphère conjugale. Autour du mariage homosexuel, la morale (ordre religieux qui définit le bien et le mal) guide la loi (ordre civil qui régit ce qui est permis ou interdit). Alors qu’il « n’existe pas de morale sociale, mais plutôt un ensemble de lois qui fixent des règles de comportement qui semblent normales à un moment donné, mais qui évoluent sans cesse. »
À la manière d’une thèse universitaire – il en partage parfois l’écriture empruntée, l’auteur détaille pourquoi il est essentiel d’autoriser le mariage homosexuel au nom des principes fondateurs de la République : la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité. Bien sûr, il s’attarde sur les raisons qui justifient le maintien de l’interdiction. La dernière partie propose une alternative qui, si elle était choisie, ménagerait les plus conservateurs tout en permettant la réforme du système actuel, légalisant ainsi l’union de personnes du même sexe.
Dans sa structure, l’ouvrage ne révolutionne pas le genre, mais, la précision du raisonnement est vraiment intéressante parce qu’elle dépasse – comme son titre l’indique – le simple questionnement binaire, et fait avancer le débat par sa cohérence. Avec cette démarche intellectuelle, l’auteur a probablement joué dans ses propres préjugés – qui ressortent quand il s’agit d’adoption par des couples homosexuels – pour mieux les expliquer. Et ça fonctionne. On suit, pendant les 90 pages, les questionnements et heureusement, les propositions de réponses, que la polémique suscite.
Encore faudrait-il que le livre soit lu, spécialement par les « anti » mariage gay. Personnellement, j’étais convaincue d’avance, je ne compte pas. Au pays où « le changement perturbe parce qu’il bouscule momentanément les habitudes d’actions et de pensées », c’est pas gagné… même en 2012.
Mariage homosexuel, dépasser le pour ou contre, Pierre-Marie Guillon, Les Cahiers de (Dé)Raison, 2012
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Il y a dix ans, j’ai publié un essai sur la famille. Sur un mode journalistique, je me suis intéressée de près à une douzaine de sujets qui, à mon humble avis, traduisaient l’actualité en gestation : surmédicalisation des accouchements, enfants uniques, femmes qui ne veulent pas d’enfants (un thème alors inédit en français).
J’ai aussi fouillé la réalité des couples de même sexe qui élevaient des enfants. Une réalité croissante, spécialement à Montréal, riche de la 2e plus importante communauté homosexuelle au monde. Embourbée dans des préjugés bien pensants, je n’ai pu que constater, au fil de mes recherches et entretiens, combien il était absurde de traiter les parents homosexuels différemment des hétérosexuels. Ce n’est pas l’orientation sexuelle des adultes qui les rend meilleurs ou moins bons éducateurs. Cette même orientation n’a pas d’incidence sur l’épanouissement des enfants si ce n’est qu’elle leur apprend la « différence » dès le plus jeune âge. Comme les enfants nés de couples mixtes à une autre époque.
À la manière de Pierre-Marie Guillon aujourd’hui, j’ai gratté mes propres idées reçues pour les restreindre à ce qu’elles sont… des valeurs formatées. Si nous étions plus nombreux à bousculer notre confort intellectuel, les débats dépasseraient plus souvent les stériles querelles de clocher.