Pas assez cons, David Corleone, 1 mai 2012

Depuis février 2012, les étudiants universitaires et collégiens du Québec sont en grève, pour dénoncer la décision du gouvernement d’augmenter les frais de scolarité de 75% en cinq ans. Tandis que le Premier ministre et la ministre de l’éducation refusent de négocier, plusieurs manifestations ont été réprimées sévèrement et la situation dégénère de jour en jour. Voici quelques textes qui invitent à la réflexion. 

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Ce qui m’apparaît le plus fascinant dans le psychodrame de la grève…non attendez…du boycott étudiant, n’est pas tant les courbettes sémantiques de la ministre, la mauvaise foi intellectuelle de la droite médiatique ou bien les fenêtres cassées du centre-ville, mais bien l’étudiant bashing qui est omniprésent. On le sent, il y a un malaise généralisé chez nos élites, nos représentants des médias de masse et nos concitoyens face à l’étudiant moyen. Ils ne savent pas comment dealer avec eux autres alors que, plus souvent qu’autrement, ils utilisent le paternalisme et la condescendance comme outils d’auto-défense.

Je crois que la principale frustration chez le téléspectateur moyen de TVA, le maire Gendron, Éric Duhaime et les yuppies du conseil du patronat est que ses étudiants ne sont pas assez cons. Si la CLASSE était dirigée par un clone de Serge Fiori avec un poncho, on n’entretiendrait pas autant de mépris pour les leaders étudiants. La frustration réside dans le fait que Gabriel Nadeau-Dubois n’est pas assez bête pour se faire mettre en boîte par Denis Lévesque. Le président de la FECQ, Léo Bureau-Blouin, est un jeune homme soigné capable de répondre avec éloquence et un calme olympien aux questions. La présidente de la FEUQ, Martine Desjardins, affiche une belle spontanéité et un brin d’humour fort efficace lors des nombreuses inquisitions de nos ”journalistes” bien-pensants. C’est pourquoi Mario Dumont en fait des boutons, c’est pourquoi Simon Durivage raccroche au nez de Gabriel Nadeau-Dubois en ondes et c’est pourquoi André Pratte fait sa campagne de peur. C’est ce manque d’immaturité qui les frustre. Ils se sentiraient plus à l’aise s’ils étaient capables de regarder les jeunes de haut, or, ils en sont incapables. Donc tout ce qui reste comme arme est le mépris.

L’étudiant est en quelque sorte dans la zone grise de la citoyenneté, ce qui est en fait une proie facile à la société qui veut le juger. Ils n’est pas un enfant. Dommage, tout le monde aime les enfants. Rien ne doit arriver aux enfants. Une décision administrative qui va à l’encontre des enfants sera décrié par le plus snobinard des intellos du plateau et par le plus petit dénominateur commun. Ensuite, il y a le contribuable. On dira ce qu’on voudra des contribuables mais ils paient les taxes, font tourner la roue et la sueur de leur front construit des ponts, fournit l’air qu’on respire, plein de gogosses comme ça. Ils sont la colonne vertébrale de la citoyenneté dans un régime capitaliste classique.

L’étudiant lui est bien campé dans la zone grise, jusqu’au cou, en fait. Il n’est plus un enfant, pas vraiment un payeur de taxes. À quoi sert-il? Absolument à rien. C’est pour ça qu’il a autant de temps à texter en buvant de la sangria sur la désormais proverbiale terrasse sur Outremont.

Sa seule utilité pourrait, peut-être, être celle de nous mettre dans la face nos travers en tant que société, les choix bizarres de la logique comptable qui fait, par exemple, qu’on DONNE de l’argent à des entreprises pour vider nos ressources naturelles alors qu’on s’amuse à alourdir le fardeau de la dette de nos cerveaux, nos futurs médecins, avocats, alouette.

On peut être convaincu que la frustration de Charest est de voir que ces petits vlimeux ne sont pas assez cons. Pas assez cons pour gober une hausse radicale alors qu’il y a du gras à couper partout (Jean Garon le disait récemment à TLMEP, quand on veut couper, on coupe la tête, c’est à dire qu’on commence par les recteurs, les anomalies administratives, le gaspillage).

Le souhait du PLQ est que la relève étudiante soit servile et incapable de penser par elle-même et, par le fait même, devienne éventuellement les futurs électeurs du parti. Ce qui les dérange dans cette désobéissance civile n’est pas tant les vitrines fracassées ou les graffitis sur les murs, tout cela se corrige facilement. Non, ce qui dérange, c’est ce refus d’avaler systématiquement le discours qu’ils tentent d’enfoncer dans la gorge collective de notre jeunesse. S’ils refusent une hausse de frais de scolarité, seront-ils capables d’avaler l’immense couleuvre qu’est le Plan Nord?

Comme si ce n’était pas assez, nous assistons à une couverture biaisée des événements. Même le conseil de presse l’affirme mais ce n’est certainement pas la gang à Péladeau qui va s’en vanter. Nous avons un Premier ministre qui s’amuse à travestir les chiffres et déformer les faits, et les médias les rapportent sans se questionner. Certains par paresse, d’autres, comme La Presse, car cela sert bien ses intérêts.

Le président du conseil du patronat déplorait la présence de la gauche sur les médias sociaux, disant que cet outil, contrairement aux médias de masse, ne répondait à aucun code journalistique garantissant la véracité du traitement de l’information. On voit que ce n’est pas juste l’ami John James Charest qui s’improvise humoriste. Pouvez-vous vraiment affirmer sans rire que l’information qu’on nous sert à chaque jour n’est pas teintée d’un parti pris idéologique? Allons! Vous aviez l’air moins fous lorsque vous proposiez l’abolition du salaire minimum.

Il y a des rumeurs d’élections printanières qui planent sur le Québec. On a vu notre peuple prendre la rue mais prendra-t-il le chemin vers les urnes? L’Alberta s’est mobilisé pour bloquer l’arrivée de la droite libertarienne. Allons-nous finalement prouver notre mécontentement et se débarrasser de l’équipe de Jean Charest?

Ou sommes-nous assez cons pour retomber dans le panneau?

Le post Pas assez cons a été écrit sur le blog david corleone autodéfense intellectuelle, le 1mai 2012

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