Cadres noirs, Pierre Lemaître, Le Livre de poche, 2011

Franchement, ce n’est pas un grand roman, pas même un grand thriller, pourtant Cadres noirs a reçu le Prix du polar européen – Le Point 2010. Ça ne veut rien dire, mais quand même, ce livre se lit tout seul, sans réelle volonté. Du début à la fin, sans interruption.

Rien à faire, dès les premières pages, j’ai voulu savoir. Connaître le destin de ce cadre quinquagénaire qui ne supporte plus le chômage dans lequel il s’éteint depuis son licenciement quatre ans auparavant. Alain Delambre est un homme normal. Marié, deux filles. La normalité déformée par les attentes, les faux espoirs, les recherches, l’absence de résultat. Pour survivre, il travaille dans une usine. Ça se passe mal, la déchéance se rapproche. La déprime aussi.

Arrive une petite annonce dans ses cordes. Une entreprise cherche un cadre, comme lui, pour recruter l’élite de ses employés. Alain Delambre, postule, est sélectionné. Pour obtenir le poste, il est prêt à tout accepter. Même l’impossible : une prise d’otages fictive pour pousser les candidats dans une zone d’extrême inconfort. Il est tellement à bout de tout, qu’il accepte de participer. Mensonges multiplicateurs, bagarre, endettement, trahison, plus rien n’arrête le cadre déchu.

Ce polar répond aux normes du genre : effets de surprise, crescendo des rebondissements, coups de théâtre. L’écriture est simple, presque ordinaire, comme le personnage principal. Pourtant, ça marche. Je crois que ce qui m’a fasciné repose sur l’engrenage dans lequel Alain Delambre se plonge… tout seul. À différentes reprises, il pourrait reprendre le contrôle des événements et de sa vie. Non, il s’enfonce, toujours plus loin. Il est entièrement responsable de ce qui lui arrive. Au point de dresser l’ensemble des protagonistes contre lui. Voilà qui est intéressant : comment réagit-on quand on est dans la merde ? Quelle voie choisit-on ? L’honnêteté ou la complicité avec l’inacceptable.

À plusieurs reprises je me suis surprise à m’interroger : qu’est-ce que j’aurais fait, moi, lectrice. J’ai vécu un licenciement, d’autres, des amis, des parents, aussi. On a tous riposté à notre mesure, selon notre personnalité, notre histoire. Là, nous sommes dans une fiction, tellement proche de la réalité – juste assez démesurée – qu’on peut parfaitement s’identifier. Et je crois que la vraie force de ce roman repose sur ce potentiel. On y croit presque jusqu’au bout. Quand le sort s’acharne, peut-on parler de karma ?

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