La Saison de l’ombre, Leonora Miano, Grasset, 2013

Puissant. Terrassant. Bouleversant.

Ce sont les premiers qualificatifs qui me viennent à l’esprit pour traduire la force du prix Fémina 2013. La Saison de l’ombre m’a clouée dans le canapé pendant les deux jours qu’a duré sa lecture.

saison de l'ombre

Dans un langue aussi riche que fluide, l’auteure Camerounaise évoque la grande histoire de l’esclavage, par la destruction – presque anecdotique – d’un village dans la brousse, loin au coeur des terres sub-sahariennes. Une nuit, un incendie détruit la plupart des cases du clan Mulongo. Douze hommes disparaissent. Les mères des dix d’entre eux sont mises à l’écart, accusées de sorcellerie. L’une refusera son sort, et tentera, jusqu’au point final du roman, de comprendre l’inexplicable.

Leonora_Miano

« … bien plus qu’un roman de mémoire et d’histoire. C’est un livre profondément humaniste sur la perte et l’arrachement, sur la possibilité de faire le deuil, de se recréer. » africavivre.com

Je n’étais pas sûre d’y parvenir. Habituée des polars et autres romans faciles, j’ai mis quelques pages à entrer dans la prose presque lyrique de Leonora Miano. J’ai accepté de plonger dans l’oeuvre qui m’a rapidement emportée. La précision de la reconstitution de la vie du village, aux débuts de la Traite; l’expression des valeurs ancestrales et coutumes traditionnelles, les codes de vie; Tout sonne juste, réaliste, un peu comme dans Segou (Maryse Condé, 1984).

À force de recherches scrupuleuses, Leonora Miona nous immerge dans une époque révolue, reproduisant les bruits, les odeurs, les images d’alors. Les contradictions aussi. Dans ce clan Mulongo régit sur l’honneur et l’humanité, des hommes frustrés cherchent le pouvoir, n’hésitent pas à utiliser la force, la ruse, la fourberie pour y parvenir.

Avec une grande délicatesse, l’auteure exprime les contradictions humaines sans les juger : la détresse des mères qui ont perdu leur premier né, la rigueur des Anciens qui refusent le changement, la douleur des disparus qui perdent le choix de vivre et découvre la survie, la violence des bourreaux (toute origine confondue), l’appât du gain, la volonté de s’enrichir, mais aussi de dominer, d’asservir. Des sentiments qui existent depuis la nuit des temps, dans toutes les civilisations.

Le livre avance crescendo. La puissance des émotions croit à la même vitesse que les difficultés rencontrées par les protagonistes. Le moment le plus fort pour moi, relate les retrouvailles de la mère qui cherche son fils, avec un autre des jeunes hommes disparus la nuit de l’incendie. Après cette lecture, un dernier morceau de la « candeur » intellectuelle avec laquelle j’avais appris l’esclavage, s’est éteint. Je n’oublierai pas ce livre de sitôt.

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