Ce matin, le temps s’étire. Maurice est en grande forme, tout sourire en coin et plis du regard. Il troque le fauteuil roulant poussé par la dame de compagnie, pour le déambulateur. Mon cheval vapeur, il l’appelle. Son fantasme d’autonomie retrouvé. Debout derrière l’engin, il caracole vers les toilettes. Tout fier d’y accéder en… reculant. Pratique pour s’assoir directement ! Ça fait dix fois qu’il lui raconte à Yvette.
45 minutes aller-retour. Seulement quelques instants de pause sur le bol.
20 minutes pour 10 mètres. Dans un sens, puis dans l’autre. Un petit pas après l’autre. Un tout petit pas. Le chausson traînant, malgré l’interdiction formelle du kiné. Levez les pieds Maurice, incante-t-il quotidiennement. « Je m’en fous, je ne l’aime pas » grommelle le nonagénaire dans sa barbe de peau, celle qui pendouille en quadruple menton. « Le pas de l’oie, une-deux, une-deux, c’est tout ce qu’il me demande de répéter. C’est d’un ennui, » complète l’homme qui en son temps dansait des heures durant.
Alors forcément, quand on met 45 minutes pour aller pisser, il vaut mieux s’y prendre à l’avance. Prévoir l’envie !! Un vrai défi du 4e âge.
Du coup, les journées passent assez vite : entre le réveil, l’habillage, le petit déj., les siestes du matin et de l’après-midi, le déjeuner puis le dîner, le brossage de dents, le déshabillage. Alouette. Se laver les mains avant de passer à table : 10 minutes. Les deux mètres pour arriver au lit : minimum 3 minutes. Parce qu’il papote en prime. Ouais. Il commente, rigole, fait des clins d’oeil, mais ça c’est une autre histoire.