une année en Gironde 35 – la fièvre bleue: la chasse à la palombe

On nous avait dit, « vous verrez, à l’automne, aucun artisan ne travaille, ils sont tous à la palombière ». Mais encore? Et bien dans le Sud-ouest de la France, la chasse à la palombe est une religion à laquelle peu de locaux résistent. D’ailleurs, quand on l’évoque, leurs yeux se mettent à briller et avec un petit sourire en coin, ils confirment qu’ils y passent du temps… à la palombière. Les mauvaises langues – les expat’ qui ne sont pas du coin – trouvent même que les pères s’occupent peu de leurs enfants à cette période de l’année et leur préfèrent le sous-bois et les fusils.

Nous n’y sommes pas allés, mais depuis le 11 septembre (date d’ouverture officielle) nous avons vu plein de chasseurs, nous évitons de courir dans les champs. Pour le reste, je pars à la découverte et j’ai du temps puisque la fermeture officielle est fixée au 10 février… 2012. Longue migration me semble-t-il. Wikipédia nous dit – entre deux messages de contribution volontaire, sonnante et trébuchante, à l’intention de « L’encyclopédie libre » – que la palombe est un pigeon ramier qui migre vers l’Espagne à la fin de l’été. Jusque là, tout va bien. Mais c’est sur le site spécialisé palombe.com que je découvre tous les secrets du cru.

Selon Pline l’ancien (ça ne nous rajeunit pas), manger du ramier diminuait les flatulences et combattait efficacement la dysenterie et le mal cœliaque. Encore fallait-il attraper les oiseaux. Ce qui commença à être fait à la fin du 13e siècle. Chasse de petite gens, elle devient sujet de règlements dans le Béarn et en Gascogne et reste, encore aujourd’hui, le fruit d’une véritable tradition culturelle.

Pourquoi un oiseau venu du Nord et dédaigneusement appelé pigeon tout à coup devient-il noble palombe en passant la Loire et déchaine-t-il autant les passions ?
Comment ces hommes font-ils pour changer de foyer pendant plus d’un mois et guetter, le nez en l’air, la venue de l’oiseau bleu ?
Il faut avouer qu’à l’origine la chasse de la palombe était d’abord une source de revenus et de compléments alimentaires.
Aujourd’hui, les besoins ne sont plus les mêmes, et la chasse de profit a laissé place à la chasse de loisir. Les méthodes sont les mêmes et sont devenues au fil des ans des acquis culturels et des traditions régionales.
L’objectif, on l’a donc vu, n’est plus de capturer massivement des oiseaux.
Qu’est-il donc alors ?
Pourquoi ces hommes passent-ils leur temps libre et leurs jours fériés à préparer la palombière tout au long de l’année ?
Pourquoi ces hommes prennent-ils leurs vacances au mois d’Octobre pour capturer une cinquantaine d’oiseaux qu’ils trouveraient facilement dans les rayons surgelés des grandes surfaces en directe provenance de Grande Bretagne ?
Qu’est-ce qui anime cette petite flamme bleue dans l’œil de chacun de nous lorsqu’on aperçoit LE premier vol de la saison ?
Pourquoi cette fièvre, cette maladie bleue, …. cette « palombite » ?

***** Je crois que ce que j’aime dans cette chasse, ce n’est pas tuer des palombes, mais me mesurer à la ruse et à l’instinct d’un oiseau sauvage, dit Olivier ****

*****C’est la chasse royale de l’oiseau-roi car seule elle demande et donne autant de passions, d’amours, de fièvres, souvenirs, espérances, déceptions, joies… bref le BONHEUR !!!, explique Cyril*****

****L’entière communion avec la nature,…, la vie très solidaire en palombière entre personnes aimées,…, la créativité, réflection et travail physique pour s’améliorer, … comme un artiste paysagiste funambule, raconte Éric*****

*****L’impression de vivre quelque chose que les autres ne voient pas, précise Jean-René. Comme une drogue sans substitut.*****

Le problème avec les gens passionnés, c’est que forcément, ils nous transmettent un peu du truc qui les fait vibrer, même si, naturellement… ça ne nous intéresse pas franchement.

Comment ça marche? Dans les Landes, en Gironde (chez nous) et dans le Gers, le principe est immuable : il s’agit en manœuvrant des appeaux (appelants en langue française…) d’attirer les vols de passage pour les faire poser d’abord sur les arbres de la palombière, et ensuite de faire descendre au sol les oiseaux pour les capturer vivants au filet dans des bois à dominance de pins. D’ailleurs, la chasse à la palombe est presque une épreuve initiatique pour les jeunes puisqu’avant de les tuer, on cherche surtout à les prendre vivantes. Dans les maisons voisines de la nôtre, de grandes volières bruissent du matin au soir des palombes capturées.

Après? Et bien après, je vais tenter de me faire inviter l’an prochain et je vous raconterai, parce que là, je manque d’éléments!

ps. La Fédération départementale des chasseurs de Gironde a identifié 2 964 installations fixes de chasse à la palombe dans le département. J’adore ce genre de chiffres, je n’ai aucune idée de ce qu’il représente!

(photos à venir)

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