Un détective grognon, une stagiaire motivée, une traversée épique de l’ouest Canadien… le dernier roman de Jody comporte tous les ingrédients du polar qui marche.
Groupie certes, mais pas au point d’avoir lu les sept romans de Jean-Paul Jody – le coach d’écriture qui a suivi patiemment nos tergiversations d’auteurs en devenir depuis octobre.. Comme je ne me suis pas fait La Position du missionnaire (2004), je ne connaissais pas encore Kinscoff, avant de le découvrir dans La Route de Gakona, dernier né de l’auteur. Un alter ego ? Humm, il y a de bonnes chances.
Kinscoff donc, mène ses petites enquêtes peinard avec son acolyte Stéphane, quand il se fait imposer une stagiaire aussi gironde que fondamentalement positive. Il le faut pour endurer ce quinqua grincheux conducteur de Saab, comme le Wallander de Henning Mankel. Le couple improbable part rencontrer – faute de mieux – la famille de René Bautron, un radioamateur au suicide factice.
De cette anecdote – selon une grille rigoureuse que je tente encore d’apprivoiser, l’auteur promène le lecteur d’un rebondissement à l’autre, d’un pays à l’autre jusqu’au combat final entre le bien et le mal. En l’occurrence entre le gouvernement américain, ses partenaires français et ce détective tête brûlée que peu d’éléments arrêtent.
La différence entre un polar lambda et ceux écrits par JP Jody tient dans le contenu parallèle à l’histoire. Ici, les travaux de Nikola Tesla et le projet HAARP. Scientifique né en Autriche, Tesla a déposé plus de 700 brevets – plusieurs accordés à Edison – dont un nombre imposant sur la conversion de l’énergie, avant de mourir en 1943 à NY. Quant au High Atmosphere Auroral Research Project, HAARP, ce serait l’arme ultime des États-unis. Sur le blogue qui accompagne le roman, Jean Paul Jody présente l’essentiel de ses recherches sur cet inquiétant programme. La réalité, le fantasme, le roman, tous ces ingrédients avec lesquels l’auteur jongle malicieusement.
Seule une crise réelle ou imaginaire peut engendrer un changement profond. Milton Friedman
J’ai pensé à Wag The Dog, le film de Barry Levinson (1997) dans lequel Dustin Hoffman et Robert de Niro dissimulaient un scandale sexuel du président en pleine campagne électorale, en inventant de toutes pièces une guerre en Albanie. Avec le projet HAARP – officiel et officieux, les États-unis modifient le climat pour créer des perturbations majeures avec des conséquences irréversibles sur les politiques des pays concernés.
En prime, La Route de Gakona nous emmène dans le grand Nord américain pour une traversée épique de la frontière entre l’Alaska et le Canada, à pied, accompagnée d’un guide québécois au destin funeste. J’avoue, contrairement à d’autres qui s’y sont risqués et se sont plantés – je pense à Fred Vargas dans Sous les vents de Neptune, et même Franck Tilliez dans le Syndrome [E} – Jody manie le Québécois avec brio. L’humour, les expressions, les tournures et même les fameux « sacres » (jurons) sont judicieusement employés. À croire qu’ils ont été validés par un complice du cru.
J’ai bien aimé le vieil ours mal léché qui caractérise Kinscoff, le sourire que j’ai imaginé de la sympathique Cathy, la longue cavalcade en traîneau à chiens, les racailles officielles qui traînent dans les services secrets d’État, le déroulement de l’intrigue. Le livre se lit vite: un page turner, comme disent les Chinois. Mais, honte à moi, le sujet ne m’allume pas plus qu’il faut. Ça va venir… Toutefois, s’il n’est pas déjà tourné, je me suis parfaitement projetée dans le film… Comme quoi le scénariste n’est jamais loin de l’auteur; à moins que ce soit l’inverse!