stage d’écriture – jour 4

Focalisation ou points de vue. Trois exercices précis autour d’un sujet: un propriétaire et un locataire se rencontrent pour visiter un appartement.

Focalisation interne : monologue intérieur

Où sont mes clés ?… Bon, ça y est, comme d’habitude… Quelle idée d’avoir changé de sac ce matin !… Quelle tarte… Ah, les voilà. Et cette lumière qui s’éteint tout le temps, il faudra que j’en parle à Michelle. Bon, les clés… Ah non… ce n’est pas le bon trousseau, mais ce n’est pas vrai, je suis une catastrophe ce matin. Non chérie, pas juste ce matin ! Tiens le téléphone sonne. Ah, mais ce n’est pas dans le studio, ça vient du dessus. Punaise elle y va fort la vieille d’en haut… Elle est peut-être sourde ; heureusement, à son âge, elle ne doit pas recevoir d’appels en pleine nuit. Bon, ça y est, enfin…. Qu’est-ce qui vibre comme ça dans mon sac ? Le téléphone, non l’alarme, voyons qu’est-ce que c’est ? … Rendez-vous chez l’ophtalmo… C’est pas le moment, je verrai ça plus tard. La bonne nouvelle de la journée, c’est que la petite locataire a laissé les lieux à peu près propres… Où j’ai fichu mes lunettes ?… enfin, ouais, pas trop propre non plus ; elle ne s’est pas forcée. Regarde-moi ça, laver les chiottes ça ne devait pas être son truc à la princesse. Ça fait au moins… beaucoup trop longtemps que ça n’a pas été fait. Quand je pense au cirque qu’elle a fait avant de signer son bail. Et vous me referez la peinture, et gna gna gna. On lui met des toilettes neuves pour son gros derrière chéri et elle n’est même pas foutu de les laver. Bon je vais appeler la femme de ménage. Pas le temps aujourd’hui. Merde, et l’autre locataire qui va arriver d’une minute à l’autre et le studio qui est crade. Qu’est-ce que je fais, j’annule, je nettoie ? Non mais ça m’apprendra à signer trop vite. Il faut que je fasse plus attention. Enfin si Michelle était là, ça n’arriverait pas. C’est son appart après tout. Et moi, la conne… Ma chérie, tu peux me rendre service ? j’ai trop de boulot, tout ça… Je rampe devant elle, j’obéis, j’exécute. Mais je m’en cogne de son truc… Où a-t-elle mis les éponges ? En voilà une, sale forcément. Je fais ce que je peux. Nooon, ça sonne… Pas déjà ! Tant pis pour le ménage, de toutes façons je m’en fous, c’est pas chez moi ici…

–       « Bonjour » répond-elle à l’interphone

*****

Focalisation externe

Ça fait maintenant dix minutes que l’homme est planté, nu, devant sa garde-robe. Il ne bouge pas. Dans son dos, la fenêtre est grande ouverte sur un ciel bleu azur. Il a les bras croisés sur son ventre. Il les décroise, se gratte le torse puis la tête. Il se prend le visage dans les mains, paumes ouvertes, puis les fait glisser derrière son cou où il laisse ses doigts entremêlés. Soudain, il déplie ses bras, retourne dans la salle de bain, en ressort avec un tube de déodorant qu’il applique sous ses aisselles avant de s’asseoir sur son lit face au placard. Il se penche vers la table de nuit, attrape son paquet de cigarettes, en sort une qu’il allume avec le briquet posé à côté. Il inhale profondément la première bouffée en fermant les yeux et souffle longuement la fumées par les narines. Il s’allonge pour se relever aussitôt. Cigarette au bec, il tend la main et saisit un pantalon de lin beige et une chemise blanche. Il les pose sur le lit, traverse la chambre pour récupérer un boxer short kaki. Il s’habille après avoir saisit son téléphone intelligent, prend sa montre sur laquelle il regarde l’heure…

L’instant d’après, il prend ses clés, met ses espadrilles de toile, ses Ray Ban fumées, glisse un portefeuille dans sa poche de pantalon, sort de chez lui et descend les escaliers quatre à quatre. À peine arrivé dans la rue, il jette à nouveau un regard à sa montre, s’avance entre les voitures stationnées partout et hèle un taxi qui s’éloigne rapidement après qu’il s’y soit installé. La voiture le conduit au pied d’un immeuble bourgeois de quatre étages. L’homme sort du véhicule, paye par la fenêtre, regarde sa montre au moment où le chauffeur lui rend la monnaie, les pièces tombent dans le caniveau. Il se baisse pour les ramasser, regarde l’heure, hausse les sourcils, se retourne et marche rapidement jusqu’à la porte de l’immeuble. Sa main droite fouille dans sa poche, en sort un paquet de cigarettes. Il regarde sa montre, et le range tout en appuyant sur le bouton de l’interphone.

–       « Bonjour, c’est pour la visite. »

Focalisation zéro

–       « 4e gauche… » Laure profite des derniers instants pour s’affairer dans la cuisine. Alors qu’elle ouvre la porte de l’appartement, elle bouscule son large sac à main posé dans l’entrée. Le contenu se répand immédiatement sur le plancher. Elle se jette par terre pour ramasser. Voyant un tube de rouge à lèvres glisser vers l’escalier, elle avance à quatre pattes, pour se faire arrêter dans sa course par une paire d’espadrilles de toile crème. Elle lève les yeux tout en s’asseyant sur ses talons. L’homme devant elle tend la main pour l’aider à se relever…

–       « Mon sac est tombé… »

–       « Je vois oui. Je peux ?… dit-il en entrant dans le logement sans attendre la réponse

Qu’est-ce qu’un type habillé comme ça vient faire ici ? Laure le suit à l’intérieur, scrutant les moindres détails de son anatomie athlétique qui se découpe dans le contre jour de la fenêtre. Punaise, j,ai bien fait de remplacer Michelle finalement.

–       « C’est tout ? » demande le visiteur

–       « Vous êtes venu visiter un studio, non ? »

Après avoir lentement tourné sur lui même, il porte la main à sa poche et en sort son paquet de cigarettes…

–       « Nous préférons les locataires qui ne fument pas… En fait, l’appartement est non fumeur »

Mais qu’est-ce qu’elle a à parler d’elle au pluriel ? Elle se prend pour qui ? Elle s’est vue avec sa jupe indienne, elle aurait dû mettre un soutien-gorge, elle a passé l’âge…

–       « Excusez-moi, je crois que ça ne va pas le faire alors, » glisse-t-il en la regardant droit dans les yeux. « Mais, je ne me suis pas présenté… Nicolas Meunier… »

–       « Comme le chocolat ? sourit-elle

–       « Je ne sais pas »

–       « Vous ne connaissez pas le chocolat Meunier ? »

–       « C’est grave ? »

–       « Décevant plutôt… Oh j’oubliais… » elle lui tend la main, « Excusez-moi » ajoute-t-elle en s’essuyant sur sa jupe. « Laure, Laure Melville »

–       « Ah, c’est pour ça… »

–       « C’est pour ça quoi ? »

–       « Vous n’êtes pas Michelle… »

–       « Et alors ? Vous êtes venu voir ma sœur ou visiter un appartement ? »

–       « Les deux »

–       « Je perds mon temps, je flippe comme une folle parce que la dernière locataire a tout laissé en vrac, je me force à faire du ménage, ma frangine m’a réveillée à l’aube pour me dire d’accueillir un potentiel locataire… »

–       « Ça va, calmez-vous… Je cherche aussi un logement… Je viens de me séparer »

coupée dans sa tirade de drama queen, Laure se laisse tomber dans l’un des deux fauteuils Louis XVIII recouvert d’un tissu argent métallisé. Aménagé dans un style ultra contemporain qui rehausse le classicisme des structures de pierre, le studio en trompe l’œil semble finalement moins petit qu’il ne l’est en réalité.

–       « Ça me plaît beaucoup ici… Mais je fume, » lance-t-il négligemment. « Je peux m’asseoir ? »

–       « Un café avec ça ? »

–       « Vous voulez bien arrêter de monter sur vos grands chevaux dès que je dis quelque chose ? Vous êtes assise, pas moi, vous ne m’avez pas proposé de le faire ; Je prends la liberté… que dis-je, l’audace de vous en demander l’autorisation… »

–       « Oh, l’ironie, ça va… »

–       « Vous faites quoi dans la vie ? »

–       « Je décore les apparts que ma sœur loue. Et qu’est-ce que vous en avez à faire, d’abord ? Vous voulez louer ou pas ? »

–       « J’aime. C’est une déco improbable, intéressante, originale… personnelle… »

–       « C’est bon, n’en rajoutez pas… Allez ouvrir la fenêtre et fumez dehors. Après tout je m’en moque, ce n’est pas chez moi ici »

Nicolas sort une cigarette du paquet avec lequel il joue depuis un moment. Tandis qu’il avale avec un plaisir visible la première bouffée, il s’appuie sur le rebord. Elle n’est pas mal la frangine, mais quel caractère ! Sans prévenir, les échos de la dernière dispute le submergent. De moins en moins d’amour, de plus en plus de querelles, et puis celle-là, fatale pour le couple. Depuis un blanc, un vide affectif qu’il s’accorde le droit de vivre. Il sait qu’il aura du mal à quitter l’ancien nid conjugal, d’autant qu’il se l’ait totalement approprié depuis qu’elle en est sortie. Maintenant, ce studio ou un autre… Je dois juste rebondir, marmonne-t-il en écrasant son mégot avant de le lancer sur le trottoir.

–       « En plus vous n’avez aucun respect pour l’environnement, » lui dit Laure. « Vous avez vraiment tous les vices ! »

–       « Vous n’avez pas idée… Où dois-je signer ? »

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s