Si c’était une première en mode organisé, le naturisme a toujours été dans ma vie. Mes parents, purs produits de la fin de la guerre, ont plongé dans les folles années 70 en enlevant, dès qu’ils le pouvaient, le haut… et le bas. À la campagne, à la montagne, sur le voilier. À poil souvent, ils ne voyaient pas l’intérêt d’aller dans un lieu spécifiquement réservé à la vie en toute nudité. Quant à moi, parce que je faisais beaucoup de sport, je fréquentais des vestiaires collectifs qui ont fait de mon corps un outil plus qu’un objet de désir.
Le Centre Hélio Marin (CHM) Montalivet, en haut du Médoc, a été imaginé en 1950, pour devenir le premier domaine familial de vacances naturistes. À l’époque, les femmes qui se mettaient en maillot de bain ou en tenue de sport courte n’étaient pas légion. Il semblerait que des bonnes soeurs manifestaient leur mécontentement sur la plage qui borde le domaine !
Aujourd’hui, les quelques milliers de personnes qui, de partout en Europe, viennent passer leur été à « Monta », s’engagent tous à respecter la charte des lieux :
Etre au CHM c’est être naturiste, mais c’est également adhérer aux valeurs fondamentales du naturisme, comme la nudité, le respect de soi, de l’autre, de l’environnement.
Sur un domaine immense – une magnifique pinède le long de l’océan, propriétaires et locataires sont installés dans des bungalows, des caravanes ou des tentes. Dans l’ensemble, chacun dispose d’un petit terrain arboré. La plupart des maisons n’a pas l’électricité. Les réfrigérateurs et les cuisinières sont au gaz. Certains se dotent de capteurs solaires. J’ai même vu une antenne parabolique ! Il faut que la nuit tombe de plus en plus tôt à partir de septembre, et que certains vivent ici toute l’année.
Monta est un club de vacances avant tout. On y trouve des restos, une laverie automatique, des supermarchés, des commerces – boucherie, poissonnerie, un magasin de souvenirs (oh comme j’imagine bien les blagues douteuses) et d’artisanat, et même une discothèque. Alors, la question que les non-initiés se posent tous : les gens sont-ils tout nus… partout ? Non. Les vacanciers sont habillés ou pas, sauf à la piscine et à la plage ou la nudité est obligatoire, en particulier pour limiter les offenses du voyeurisme.
Car, c’est là, la beauté de la chose. Le CHM Montalivet a été crée dans un esprit quasi communiste d’égalité. Quand on est nu, on est égal. Les classes sociales n’apparaissent plus. Riche ou pauvre, on a un corps. On est un corps, parmi d’autres corps. Il y a des jeunes, des vieux, des gros, des minces, des musclés, des flasques… Plein de corps qui ne dégagent pas plus d’érotisme que des statues. Quelle liberté!
Une différence fondamentale avec le puritanisme nord-américain, véhiculé à grands renforts de clips de chanteuses, érotisées à mort, mais dont le dépassement d’un téton provoque une censure nationale. Tout le monde se souvient du « sein » de Janet Jackson à l’entracte du Super Bowl.
Bah ouais, j’ai passé l’après-midi à expliquer ça à ma fille. Jeune ado, on ne veut pas… voir. Elle a passé son temps, à rouler à vélo, le regard perdu sur ses genoux, des crampes dans le cou, à force de baisser la tête. Elle a adoré l’endroit, l’esprit, mais elle ne voyait pas pourquoi il fallait être nu pour être là! Une inversion de proposition. On vient à Monta… pour vivre nu. D’ailleurs, une différence entre les purs et durs (laissez tomber les mauvais jeux de mots) et les alternatifs : la manière de se couvrir quand il fait frais. La vrai naturiste se met un t-shirt sur le corps, le faux se rhabille en commençant par le bas.
Bref. J’ai tout aimé. Mon fils qui profite des glissades d’eau dans une piscine à 30°, la promenade sous les pins, le rythme ralenti, les sourires spontanés. Non, je ne ferais pas de vélo nue. Ça ne me tente pas. Mais retrouver mon corps spontanément, naturellement, simplement m’a vachement plu. 25 années au Québec m’avait éloignée de cette sensation. De là, à y acheter une maison, pas vraiment. Mais pour d’autres raisons.