Paris… sous la pluie

Plus de deux heures de marche, six arrondissements, des univers radicalement différents, une constante : la pluie. Le déluge, la douche continue. Ça, c’est aussi Paris ! Lâchez-nous le romantisme à deux sous, et les cadenas -ils n’y sont plus, victimes de l’administration locale- sur les ponts de la Seine.

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Paris, c’est aussi les bâtiments gris-beige sale, dégoulinants de poussière mouillée; les gens qui marchent vite, tête baissée, grommelant sous le parapluie et bousculant les autres; la buée dans les autobus surchauffés; les flaques sur les trottoirs et les trombes d’eau dans les caniveaux des rues qui descendent; les boutiques de vêtements aux néons agressifs qui étalent tous le même uniforme de saison, leurs vendeuses indifférentes au client, qui saluent du bout des lèvres, occupées qu’elles sont entre leur portable et la vitrine à revamper;

IMG_7929IMG_7921Je m’en fous, je suis chez moi. J’aime cette ville, son atmosphère assise sur des millénaires, ses vieux habitants qui ont dû mal à changer de siècle, ses jeunes qui friment et râlent en s’agrippant à leurs parents, ses élégants qu’aucune crise n’effleure, ses clochards qui défient le temps de leurs rides universelles.

IMG_7920J’y marche au hasard, découvre toujours de nouveaux endroits, des portes, des magasins, des prix délirants, des têtes de cinéma, des looks improbables, des anglicismes absurdes, des altercations spontanées. Je ne m’en lasse pas.

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À un carrefour, soudain, un employé de la construction aide un chauffeur de camion à prendre un virage sans encombre. L’un aux traits arabes, l’autre, à la peau noire. La manoeuvre est compliquée, l’espace réduit. Les piétons retiennent leur souffle. Un centimètre à la fois, l’immense bétonnière s’avance. Un camion de livraison est garé – mal – dans l’angle intérieur. Coupable, qui bloque tout. Les bras s’agitent, quelques cris fusent. Enfin, ça passe. L’employé de construction – 1,90m, un ventre joyeux qui gonfle le gilet flou de sécurité – fier d’avoir aidé ce pote éphémère. Il tourne sur lui même, au ralenti, adressant son sourire à qui veut le prendre. Comment résister à cet imaginaire chanteur d’opéra qui salue son public ?

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Et puis, quand il pleut… ça ne sent pas la merde !

Finalement, quand mes pieds seront gelés dans mes bottines qui font splouch splouch, je prendrais le bus.

*****

Mon parcours.

14e, Pernety : ses rues commerçantes de tripailles et maraîchers, des fromagers et d’autres boulangers. Des odeurs à saliver, un quartier bon à vivre, authentique et sympathique; pause métro;

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18e, Anvers : au pied du Sacré-coeur, les magasins de tissus. Le célèbre Marché Saint-Pierre, et son voisin concurrent Reine. 5 étages de chiffons, jersey, popeline, laine bouillie, taffetas, soie, velours, coton, coutil… En période de liquidation de coupons, c’est la folie furieuse, les femmes se battent, s’arrachent les cheveux, s’insultent. J’exagère à peine. Pire que les soldes chez Macy’s à New York. Pensez-y, du Wax africain à 3,50 euros le mètre, une aubaine ! Ces lieux culte sont coulés dans l’histoire. Juste à côté, c’est Pigalle et sa chaude ambiance nocturne. Dans les vitrines humides, des pancartes couvertes de dames passées date en sous-vêtements vieillots, regardent avec envie des chaussures vertigineuses, ou tournent la tête vers des costumes féminins bien stricts réservés aux quinquas d’une autre époque. Contraste… étonnant.

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9e : les rues sont en pente douce vers la Seine, bien loin. Plutôt résidentiel. Les immeubles Haussmaniens se succèdent. Je marche, la tête en l’air, et je souris. Je suis contente d’être là.

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3e : le Sentier, sa vérité si je mens, ses accents qui chantent, ses chariots qui encombrent, ses Pakistanais qui portent, ses vêtements vendus en gros; mais aussi ses jeunes mecs aux costards cintrés, des gonzesses directement sorties de l’agence de pub qui les emploient. Coeur de la ville diurne.

1er : entre les touristes et les provinciaux, les Parisiens. 2 millions dans les rues, et moi, et moi, et moi. Beaubourg et Franck Gerhy – une autre fois, Châtelet, Théâtre de la ville et ma déception, je ne verrai pas Benjamin Millepied ce soir, c’est complet, archi complet. J’ai pris la rue Saint-Denis. Mal famée la nuit, ou peut-être trop bien. Sex-shop, Peep Show, et autres attractions closes, entre restaurants, salons de beauté et vêtements usagés, ou moches. Pas d’éclat. La rue est morne, grise, molle, éteinte. La pluie tombe.

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IMG_7930IMG_79266e : je traverse la Seine au milieu des touristes dépités. Paris, comme Bruxelles ou Barcelone, restent un peu tristes sans soleil. La place Saint-Michel bruisse en silence. Les passants s’abritent sous les larges auvents des librairies d’étudiants. En bus, je traverse Saint-Germain-des-Prés. Amenez-en de la pluie, de la grêle, des crises économiques, des guerres dans le monde, les avenues, les femmes, les enfants, jusqu’aux chiens, respirent le chic et le bon goût ! Aucune prise sur leur temps.

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pour ceux qui liront jusque là…

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Quand j’étais petite, mon grand-père maternel tenait la boutique d’articles pour fumeurs la plus fréquentée de Paris. De l’après-Guerre au milieu des années 60, pipes, fumes-cigarettes, cendriers de cristal ciselés et autres briquets Dunhill, Dupont ou luxueux stylos Waterman et JIF trouvaient des acheteurs prestigieux. C’était Passage des Panoramas, entre le boulevard Montmartre et la rue Saint-Marc. J’y ai passé quelques jours sans école, à jouer à la marchande derrière les comptoirs en bois précieux, aux vitres bombées. Dans l’arrière boutique, un escalier en colimaçon menait à l’atelier de réparation où Albert, l’employé, aimait se cachait pour me faire peur. Hier, je l’ai reconnue.

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5 réflexions au sujet de « Paris… sous la pluie »

  1. Quel bonheur de se laisser prendre par la main pour marcher dans Paris avec ces yeux là ! J’en ai les bottes mouillées ! Merci Pascale !

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